Le budget de la justice "ne sera pas satisfaisant", prévient Didier Migaud "mobilisé" pour obtenir des arbitrages favorables

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Didier Migaud LCP 08/10/2024
Didier Migaud lors de son audition à l'Assemblée nationale (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mardi 8 octobre 2024 à 22:50

Devant les députés de la commission des lois, le garde des Sceaux a confirmé, ce mardi 8 octobre, que le budget de la Justice n'atteindrait pas la trajectoire budgétaire prévue sous la précédente législature. Didier Migaud a cependant déclaré qu'il était "mobilisé" pour assurer les "principaux engagements" qui avaient été pris, notamment en matière d'effectifs.

Eric Dupond-Moretti avait averti son successeur de la place Vendôme : ne pas respecter sa loi de programmation de la Justice, jalonnée de crédits et d'effectifs supplémentaires, serait une "trahison" et un "signal dévastateur". Ce mardi 8 octobre, auditionné par la commission des lois de l'Assemblée nationale, Didier Migaud a pourtant bel et bien dû concéder que le budget 2025 de l'institution judiciaire "ne sera pas satisfaisant" au regard des engagements pris par les gouvernements Borne et Attal. "Nous avons un problème d'exécution du budget 2024, compte tenu des gels et surgels, et nous avons un problème aussi sur le budget 2025", a indiqué le ministre de la Justice.

Nous ne pourrons rien entreprendre d'efficace si nous ne sortons pas du sous-dimensionnement du système judiciaire. Didier Migaud, ministre de la Justice

Le texte d'orientation et de programmation, adopté en 2023, prévoyait un budget de 10,68 milliards d'euros pour 2025. Tandis que la lettre-plafond transmise par Gabriel Attal fin août, et "qui sera reprise au moins dans un premier temps" par le gouvernement, retranchait 487 millions d'euros à cette enveloppe. Quid du futur budget proposé pour la justice ? L'excécutif doit encore procéder à des "arbitrages", selon Didier Migaud, qui s'est "pleinement mobilisé" auprès de Matignon pour faire valoir la nécessité de se rapprocher de la trajectoire financière initiale. Et notamment pour que soient tenus les "principaux engagements" du texte, concernant la hausse des effectifs de magistrats et de greffiers.

Contraint par la situation des finances publiques, l'exécutif doit tenter de trouver 60 milliards d'euros d'économies pour atteindre une réduction du déficit public à 5 % en 2025. Un casse-tête, d'autant plus grand qu'environ 30 % des dépenses de l'Etat sont sanctuarisées par des lois pluriannuelles, comme c'est le cas pour la Justice, l'Intérieur, et la Défense. "Notre pays n'a jamais eu autant besoin de justice. Et on ne pourra pas faire plus de justice avec moins de moyens", a martelé le garde des Sceaux ce mardi, faisant part de son souhait qu'un "réajustement" du budget de son ministère puisse intervenir. "Nous sommes engagés dans un processus de rattrapage de décennies d'abandon."

Vers une remise en question de "l'excuse de minorité ?"

Devant les députés, Didier Migaud a par ailleurs exposé plusieurs priorités de sa feuille de route : poursuite de la construction de places de prison, accélération de la réponse pénale, lutte contre les violences sexistes et sexuelles... Dans le sillage de Michel Barnier, il est surtout revenu sur les évolutions envisagées concernant la justice des mineurs, un sujet "sensible". "Mais la violence monte chez les mineurs", a souligné le ministre, alors que deux homicides impliquant des adolescents de 14 et 15 ans ont émaillé l'actualité récente.

Didier Migaud a ainsi défendu une "réflexion" autour d'une comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans déjà connus de la justice et poursuivis pour des atteintes à la personne. Même chose concernant une éventuelle "atténuation" de "l'excuse de minorité". "Qui n'est pas, je le rappelle, une impunité", a souligné le garde des Sceaux. "Lorsque des mineurs commettent des infractions extrêmement graves, en pleine connaissance de cause, on peut s'interroger sur la possibilité d'écarter cette excuse, au cas par cas", a-t-il précisé, assurant qu'une telle évolution se ferait dans le respect du bloc de constitutionnalité.

Plus largement, Didier Migaud a déclaré qu'il souhaitait briser plusieurs images d'Epinal. Celle de l'opposition police-justice, en premier lieu, alors que des dissonances avec son homologue de la place Beauvau, Bruno Retailleau, ont pu être évoquées. Mais aussi celle d'une justice qui ne "serait pas assez sévère". "Contrairement à une idée répandue, la réponse pénale est ferme dans notre pays", a-t-il affirmé. Seulement, la "chaîne pénale n'a pas été dimensionnée pour répondre à 30 années d'abandon de la justice", a-t-il soutenu. Revenant une nouvelle fois à la nécessité de doter la justice des moyens nécessaires à son fonctionnement.