Cinq interpellations lors de la séance des questions au gouvernement, des membres de la famille reçus par des députés et une minute de silence, d'abord refusée, puis finalement observée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale : le meurtre d'Aboubakar Cissé, tué dans la mosquée de La Grand-Combe (Gard), vendredi dernier, a largement occupé les débats du jour, ce mardi 29 avril, au Palais-Bourbon.
Les quatre groupes de gauche, ainsi que Gabriel Attal (Ensemble pour la République), ont interpellé François Bayrou et ses ministres, ce mardi 29 avril, lors de la séance des questions au gouvernement au sujet du meurtre d'Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau, vendredi dernier, dans une mosquée du Gard. "Ce meurtre n'est pas un accident. Il est l'aboutissement d'un climat de haine que vous laissez prospérer jour après jour", a lancé le député Abdelkader Lahmar (La France insoumise), premier à aborder le sujet, qui a dénoncé l'attitude du ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui selon lui "utilise des mots qui poussent au crime". Et de demander son "renvoi" du gouvernement.
Ciblant également Bruno Retailleau, Sabrina Sebaihi (Ecologiste et social) a renchéri, regrettant qu'il ait "fallu attendre deux jours" pour que le ministre se déplace, "non pas sur les lieux du crime, non pas auprès de la famille, mais enfermé à la sous-préfecture d'Alès, loin des regards, loin du réel". "Votre silence, votre mépris, votre désertion, n'est pas une simple faute politique, c'est une faute morale", a-t-elle complété, avant de conclure : "La République mérite mieux que vous, exige mieux que vous, la seule issue décente, c'est votre démission."
Quelques minutes plus tard, Romain Eskenazi (Socialistes) a, quant à lui, évoqué un "crime raciste anti-musulman, islamophobe", qui "n'est pas un fait-divers" et appelé à "l'unité nationale" ; tandis que Soumya Bourouaha (Gauche démocrate et républicaine) a dénoncé un "climat nauséabond". "Cette situation est le fruit de la responsabilité conjointe d'une partie de la classe politique de droite et d'extrême droite", a-t-elle ajouté.
A trois reprises, Bruno Retailleau a pris la parole dans l'hémicycle pour répondre aux accusations venues de la gauche. En premier lieu, le ministre de l'Intérieur, qui a parlé d'un "crime barbare", s'en est pris à La France insoumise, l'accusant de "récupération" politique et d'avoir "l'indignation sélective". "Vous voulez diviser la France, hystériser le débat politique, je ne vous laisserai pas faire ! Vous abîmez notre pays quand vous le communautarisez", a fustigé le ministre de l'Intérieur.
Le locataire de la place Beauvau a, en outre, récusé avoir tardé à réagir. "Vous ne pouvez pas dire que je n'ai rien fait, c'est faux. Dès le vendredi après-midi, j'ai fait une déclaration", a-t-il tenu à rappeler. Avant d'insister, en réponse à Soumya Bourouaha : "J'ai été l'un des premiers à faire une déclaration très tranchée, très forte, comme je le fais systématiquement quelque soit les actes antireligieux."
Bruno Retailleau a également affirmé que "jamais la famille n'a demandé à [le] voir" et annoncé que l'oncle d'Aboubakar Cissé serait reçu ce mardi à 18 heures par le préfet.
Tradition oblige s'agissant des questions posées par les présidents de groupe, c'est à Gabriel Attal (Ensemble pour la République), que le Premier ministre, François Bayrou, a répondu en personne. "Quand on s'en prend à un musulman, à un juif, à un chrétien, dans son lieu de culte, alors qu'il est en train de prier son dieu, c'est une défaite immense pour la France, pour toute la France et pour nos valeurs", a déploré le chef de file des députés du parti présidentiel, dénonçant à la fois ceux qui "oublient ce meurtre sauvage ou ne le condamne qu'à demi-mot" et ceux qui "se servent de ce drame à des fins politiques".
Citant Albert Camus dans le texte, François Bayrou a assuré que le gouvernement "défendra, jour après jour, notre devoir de vivre ensemble". "La laïcité, c'est très simple, c'est une règle : la foi ne fait pas la loi, mais la loi protège la foi. Nous ne laisserons pas faire les destructeurs, ceux qui veulent dissoudre le monde dans lequel nous vivons", a également déclaré le Premier ministre.
Le meurtre d'Aboubakar Cissé n'a pas uniquement été au coeur des questions au gouvernement en ce mardi 29 avril. Dans la matinée, plusieurs membres de la famille du jeune homme, ainsi que des représentants de la communauté malienne et des associations, ont été reçus par des députés, presque tous de gauche, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, à l'initiative de Sabrina Sebaihi (Ecologiste et social).
"On est triste et en colère", a déclaré à la mi-journée l'oncle d'Aboubakar Cissé lors devant les médias. "Il était venu ici pas pour se faire tuer, c'était quelqu'un de bien", a-t-il poursuivi, demandant que "justice soit faite".
Une minute de silence, refusée puis observée
Lors de la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale, ce mardi matin, les groupes de gauche avaient demandé que soit observée une minute de silence en hommage à Aboubakar Cissé en ouverture de la séance des questions au gouvernement du jour. Mais faute de consensus parmi les présents, celle-ci avait été refusé. La raison évoquée ? En janvier dernier, la même Conférence des présidents s'était "accordée pour ne plus organiser de minutes de silence relatives à un cas particulier", indique le document qui encadre ces hommages.
Plusieurs députés de gauche s'étaient alors insurgés de cette décision. Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, s'était dit sur X "scandalisé par le refus de Yaël Braun-Pivet d'accorder une minute de silence en hommage à Aboubakar Cissé". "Cette décision est inacceptable et nuit à l’unité que devrait avoir le pays face à l’horreur de la haine et dans la lutte contre l’islamophobie" écrivait, quant à elle, la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot. "C'est une faute", commentait son homologue du groupe Ecologiste et social, Cyrielle Chatelain, auprès de LCP.
Finalement, peu après 13h30 Yaël Braun-Pivet a annoncé qu'une minute de silence serait bel et bien observée dans l'hémicycle. "Aucun consensus n’était apparu ce matin en Conférence des présidents. J’ai échangé depuis avec certains présidents de groupe", a expliqué sur X la présidente de l'Assemblée nationale, indiquant avoir "décidé que soit observée une minute de silence en hommage à Aboubakar Cissé".
La vidéo de la minute de silence :