Lutte contre les violences conjugales : la création de l'ordonnance de protection "immédiate" définitivement votée cette semaine

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Emilie Chandler
La députée Renaissance Émilie Chandler en 2023 à l'Assemblée. LCP
par Adèle Daumas, le Mardi 4 juin 2024 à 12:50

La proposition de loi "renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate", portée par Emilie Chandler (Renaissance), sera définitivement adoptée par le Parlement après un ultime vote de l'Assemblée nationale mercredi 5 juin. Le texte a fait l'objet d'un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire le le 21 mai dernier. 

C'est l'une des mesures clés de la lutte contre les violences conjugales. Créée en 2010, l'ordonnance de protection a deux objectifs. Le premier, comme son nom l'indique, consiste à protéger la victime de violences conjugales en lui accordant des mesures de protection judiciaire. Le second est de l’accompagner dans le parcours de sortie des violences en lui permettant d’obtenir des mesures d’éloignement, ainsi qu'en mettant en œuvre des mesures concernant la garde des enfants et l’attribution du logement commun. 

C'est ce dispositif que la proposition de loi "renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate", portée par Emilie Chandler (Renaissance), vise à approfondir et à améliorer. Voté et salué par les députés en commission, puis dans l'hémicycle, le texte a fait l'objet d'un examen en procédure accéléré déclenchée par le gouvernement, ce qui a permis la réunion d'une commission mixte paritaire après seulement un lecture dans chaque Chambre du Parlement. Réunie le 21 mai, cette CMP a abouti à un accord entre députés et sénateurs, ouvrant ainsi la voie à une adoption définitive de la proposition de loi. 

La durée maximale de l'ordonnance de protection étendue

Le texte propose que la durée maximale de l'ordonnance de protection soit étendue à 12 mois, contre 6 actuellement. "Dans certaines circonstances, cette durée s'avère insuffisante", pointe l'exposé des motifs de la proposition de loi, par exemple, lorsque "la situation est particulièrement conflictuelle" ou encore lorsque les parties ne peuvent bénéficier du dispositif de "prolongation automatique" de l'ordonnance de protection.

Le code civil prévoit en effet que l'ordonnance peut être prolongée au-delà de 6 mois dans certaines circonstances : si une demande en divorce, en séparation de corps ou relative à l'exercice de l'autorité parentale a été déposée. Mais ces critères ne s'appliquent pas si les parties ne sont pas mariées ou n'ont pas d'enfants en commun ; une faille que l'allongement de la durée maximale de l'ordonnance à 12 mois permettra de combler. 

Une ordonnance "provisoire" pour protéger la victime dès sa demande 

Le droit actuel prévoit que, lorsqu'une demande d'ordonnance de protection est déposée par une partie, le juge aux affaires familiales dispose d'un délai de six jours pour statuer après fixation de la date d'audience. Or, ce délai d'attente laisse la personne en danger dans une situation de grande vulnérabilité, et peut aussi être un facteur qui dissuade certaines victimes de déposer une demande de protection, puisqu'elle ne permet pas de répondre à une situation d'urgence extrême.

C'est pourquoi la rapporteure, Emilie Chandler (Renaissance), a proposé qu'une "ordonnance provisoire de protection immédiate" puisse être décidée par le juge aux affaire familiales lorsqu'il est saisi d'une demande d'ordonnance de protection. Il devra prendre cette disposition sous 24h après le dépôt de la demande, s'il existe "des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés".

Cette mesure provisoire ne pourra pas s'appliquer au-delà de 6 jours - pour des raisons de protection des libertés -, date à laquelle le juge a obligation de statuer sur la demande d'ordonnance de protection classique. Cette ordonnance provisoire comprend les mêmes mesures que celles qui peuvent être ordonnées dans le cadre de l'ordonnance de protection. 

Le dispositif renforcé au cours de la navette parlementaire

Au-delà de ces deux mesures principales, le texte initial prévoit aussi un durcissement de la peine encourue en cas de non respect d'une ou plusieurs mesures de l'ordonnance de protection (qui sera similaire pour l'ordonnance de protection immédiate) : la sanction maximale passe de 2 ans d'emprisonnement et 15 000€ d'amende à 3 ans et 45 000€ d'amende. Cette aggravation permet, selon l'article 230-32 du code de procédure pénale, de géolocaliser l'auteur de l'infraction, et donc de lui imposer le port d'un bracelet anti-rapprochement.

Au cours de la navette parlementaire, les sénateurs ont en outre contribué à élargir le dispositif. Ils ont inclus dans le périmètre de l'ordonnance provisoire la "personne majeure menacée de mariage forcé" et précisé qu'à la demande de cette personne, le juge pourra l'interdire temporairement de sortie du territoire, afin de la protéger d'un éventuel enlèvement.

Ils ont également prévu qu'une victime puisse, sur autorisation du juge aux affaires familiales, "dissimuler l'adresse de l'école de son ou ses enfants" à son conjoint violent. Le code électoral est aussi modifié, afin que les adresses des personnes sous ordonnance de protection puissent être masquées des listes électorales - qui sont accessibles à tout électeur en faisant la demande. 

L'accord élaboré en commission mixte paritaire a été validé lundi 3 juin par le Sénat. Après une ultime validation de l'Assemblée nationale, mercredi 5 juin, la proposition de loi sera considérée comme définitivement adoptée par le Parlement.