Nommé à Matignon jeudi 5 septembre, Michel Barnier va devoir affronter dans les semaines à venir le chaudron de l'Assemblée nationale, avec pour premier enjeu celui de ne pas être renversé par une motion de ce censure. Parmi les groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale, certains ont déjà fait part de leurs intentions a priori, quand d'autres attendent de juger sur pièces.
Parmi les critères qui ont vraisemblablement guidé la décision d'Emmanuel Macron de nommer Michel Barnier en tant que nouveau Premier ministre, il y a sa capacité à tenir face à une Assemblée plus que jamais morcelée. Faute d'être en mesure de s'attirer les faveurs du Nouveau front populaire, bloc arrivé en tête du second tour des élections législatives - qui avait indiqué par la voix de plusieurs de ses cadres son intention de censurer tout Premier ministre non issu de ses rangs -, le profil de Michel Barnier n'apparaît pas comme un repoussoir pour une partie du bloc central, ni pour le Rassemblement national, premier groupe politique en nombre à l'Assemblée nationale.
Mais Michel Barnier est-il pour autant à l'abri d'une motion de censure ? Rien n'est moins sûr, puisque le Rassemblement national comme le bloc central ont indiqué qu'ils jugeraient sur pièces, en fonction de la feuille de route du Premier ministre. Dans un communiqué laconique paru jeudi, le parti Renaissance, dont sont issus les députés du groupe Ensemble pour la République, stipule qu'"il n’y aura pas de censure automatique, mais des exigences sur le fond, sans chèque en blanc", précisant que le parti présentera ses "priorités programmatiques" à Michel Barnier.
Lors d'un rendez-vous ce vendredi 6 septembre au matin entre le nouveau Premier ministre et Gabriel Attal en sa qualité de président du groupe Ensemble pour la République à l'Assemblée nationale, ce dernier aurait réitéré la position du parti exprimée la veille. En effet, dans un message envoyé à ses troupes auquel LCP a eu accès, Gabriel Attal indique avoir évoqué avec Michel Barnier "les conditions d'une participation (...) au travail qui s'ouvre pour le pays".
Il n'y aura de notre part ni volonté de blocage, ni soutien inconditionnel. Gabriel Attal (Ensemble pour la République) dans un message adressé aux députés de son groupe
Appelant de ses vœux "un rassemblement large, par-delà les clivages, avec la droite républicaine, la gauche républicaine et le bloc central", il écrit avoir fait part au Premier ministre de la capacité de son groupe à nouer des "compromis" avec d'autres forces politiques, en cohérence avec le "pacte d'action pour les Français", qu'il avait proposé à l'été.
"Il n'y aura de notre part ni volonté de blocage, ni soutien inconditionnel", conclut Gabriel Attal dans le message adressé à son groupe parlementaire, "seule la volonté d'être utiles à notre pays et fidèles à nos valeurs nous guidera".
"Pas de motion de censure de principe (...) Nous ferons respecter nos électeurs et les raisons pour lesquelles ils nous ont élus", a pour sa part indiqué Laurent Jacobelli (Rassemblement national) juste après la nomination de Michel Barnier. Du côté des troupes de Marine Le Pen, dont le rôle s'avère particulièrement décisif, pas de censure a priori - contrairement à ce qui avait été annoncé concernant Bernard Cazeneuve ou Xavier Bertrand -, mais des exigences non dissimulées, ce qui fait craindre aux opposants du parti à la flamme qu'il exerce une forme de tutelle sur le nouveau Premier ministre.
Sans surprise, seule la Droite républicaine a dit son adhésion pleine et entière à un gouvernement mené par Michel Barnier. Le président du groupe, Laurent Wauquiez, félicitant sur X le nouveau Premier ministre, l'a d'ailleurs qualifié d'"homme d'une grande qualité qui a tous les atouts pour réussir dans cette difficile mission qui lui est confiée".
Du côté du Nouveau front populaire, la censure est d'ores et déjà programmée, conformément à l'annonce selon laquelle tout choix n'émanant pas du NFP ne pourrait y échapper. Jeudi après-midi pourtant, le président de la commission des Finances, Eric Coquerel (La France insoumise), estimait que cette censure aurait peu de chances de se concrétiser par un renversement, "parce qu'il y a un deal avec le RN".
Une motion de censure peut être déposée à condition qu'une session parlementaire soit en cours, ce qui n'est actuellement pas le cas, or plusieurs groupes et la présidente de l'Assemblée nationale elle-même ont réclamé au cours des derniers jours l'ouverture d'une session extraordinaire. La motion doit également être signée par au moins 58 députés, et recueillir 289 voix pour être adoptée. Si le Rassemblement national choisissait de recourir à la censure, les voix de la totalité de ses troupes (126 avec les membres apparentés), additionnées à celles du NFP (193), suffiraient à renverser le nouveau Premier ministre.