"Restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents" : c'est le titre et l'objectif affiché de la proposition de loi déposée, en octobre dernier, par Gabriel Attal et les députés Ensemble pour la République. Le texte sera examiné par l'Assemblée nationale à partir de ce mercredi 12 février.
L'actualité récente va-t-elle peser au moment de l'examen de la proposition de loi "visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents" ? Déposé par Gabriel Attal, ex-Premier ministre et actuel chef de file des députés du parti présidentiel, le texte a été largement édulcoré lors de son passage devant commission des lois de l'Assemblée nationale, en novembre dernier, du fait de rangs du bloc central quelque peu clairsemés et de la farouche opposition de la gauche.
Exit les principales mesures qu'il contenait : création d'un procédure de comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans en cas d'infraction grave, révision des modalités d’atténuation de la peine pour les mineurs, extension de la responsabilité solidaire de plein droit des parents pour les dommages causés par leurs enfants... Tous ces articles ont été expurgés de la proposition de loi, dans une ambiance parfois houleuse. Le rapporteur du texte, Jean Terlier (Ensemble pour la République), a toutefois déposé des amendements de rétablissement de ces mesures en vue de l'examen de la proposition de loi dans l'hémicycle de l'Assemblée cette semaine. Si l'examen des textes précédents est terminé, le débat sur celui-ci commencera mercredi 12 février en fin de journée.
L'origine de cette proposition de loi remonte, en partie, aux émeutes urbaines qui ont éclaté au début de l'été 2023, après la mort de Nahel à Nanterre. "Des violences [qui] ont profondément marqué notre pays", avec "parmi les émeutiers, des jeunes, parfois, très jeunes qui semblaient avoir déjà coupé les ponts avec notre société et ses valeurs de respect", indique l'exposé des motifs du texte, dont les auteurs écrivent : "Cela nous rappelle à ce sentiment qu’une partie de nos adolescents glisse, lentement, vers une forme d’isolement, d’individualisme, et parfois même vers le pire : vers une forme de violence déchaînée, décomplexée, sans règle."
Ces dernières semaines, le gouvernement a affiché un soutien sans faille à la version initiale de la proposition de loi. Dans la foulée du meurtre d'Elias, un adolescent de 14 ans mortellement poignardé à Paris pour son téléphone portable le 24 janvier, plusieurs responsables politiques ont appelé à une évolution de la justice des mineurs, alors que dans cette affaire deux suspects âgés de 16 et 17 ans mis en examen. "La justice des mineurs en France, est un fiasco. On est trop naïfs. Ces jeunes ne sont pas des victimes de la société, ils sont des voyous", a notamment déclaré le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau sur France 2, le 28 janvier, appelant à revoir l'excuse de minorité.
Créée par l’ordonnance du 2 février 1945, l'excuse de minorité prévoit qu'un mineur capable de discernement, âgé d'au moins 13 ans, doit être moins sévèrement puni qu'un majeur pour les mêmes faits. Ce principe a été intégré au code de la justice pénale des mineurs (CJPM) de 2021. "Mais un mineur d'aujourd'hui n'est pas un mineur de 1945", a opposé Gérald Darmanin lors des Questions au gouvernement, le 29 janvier. Le garde des Sceaux a appelé à plusieurs évolutions de la justice des mineurs, soutenant clairement la proposition de loi de Gabriel Attal, notamment les mesures supprimées en commission.
Les mineurs sont tout autant auteurs que victimes. Ne pas le voir, c'est faire preuve de naïveté. Gérald Darmanin, ministre de la Justice
Les deux mineurs mis en examen dans le cadre de la mort d'Elias étaient déjà connus de la justice, notamment pour des faits de vol commis avec violence, et n'avaient pas le droit d'être en contact. Au Sénat, le 30 janvier, Gérald Darmanin a estimé que la justice devait informer les forces de l'ordre des "mesures de non-regroupement" qu'elle prononçait. Et s'est dit favorable à une évaluation de la "césure" pénale prévue par la réforme de 2021, qui introduit un délai de plusieurs mois entre l'audience statuant sur la culpabilité et celle prononçant la sanction.
Le Premier ministre lui-même a réagi au drame lors des Questions au gouvernement. Interpellé par la présidente du groupe Rassemblement national, Marine Le Pen, sur la politique pénale "laxiste", selon elle, François Bayrou a rappelé qu'avant le meurtre d'Elias, Zakaria, âgé de 15 ans, était mort Romans-sur-Isère, et Thomas, âgé de 16 ans, à Crépol.
"Quel est le substrat dont se nourrissent ces crimes ? Le sentiment d'impunité, répandu parmi ces jeunes dans des situations de dérive", a avancé le chef du gouvernement. Affichant, lui aussi, son soutien à la proposition de loi de Gabriel Attal, François Bayrou a, par ailleurs, appelé les élus à se "saisir de la question du port des armes blanches". "L'idée que des couteaux portés par des jeunes ne fassent l'objet d'aucune sanction, ça nourrit aussi le sentiment d'impunité."