"Niche parlementaire" UDR : fin de séance prématurée dans une ambiance tendue et confuse

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par Maxence Kagni, le Vendredi 27 juin 2025 à 03:15, mis à jour le Vendredi 27 juin 2025 à 04:15

La journée d'initiative parlementaire des députés Union des droites pour la République s'est achevée prématurément, dans la nuit de jeudi à vendredi 27 juin, dans une ambiance tendue et confuse, les troupes d'Eric Ciotti ayant quitté l'hémicycle de l'Assemblée nationale une demi-heure avant la fin de la séance. L'examen de la proposition de loi visant à interdire le mariage aux étrangers en situation irrégulière, qui était alors en débat, n'a pas été à son terme. 

 Des députés qui quittent l'hémicycle, un rapporteur absent, et une séance levée avec trente minutes d'avance... La journée d'initiative parlementaire du groupe Union des droites pour la République, permettant aux députés UDR présidés par Eric Ciotti de faire débattre leurs textes dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, s'est achevée dans une grande confusion et sur fond de vives tensions, dans la nuit du jeudi au vendredi 27 juin. 

L'Assemblée examinait alors la proposition de loi visant à lutter "contre les mariages simulés ou arrangés", dont l'objectif était d'interdire aux personnes "séjournant de manière irrégulière sur le territoire national" de se marier. Ce texte devait notamment permettre, selon son rapporteur Eric Michoux (UDR), de venir en aide aux "nombreux maires" qui sont "impuissants" et doivent "célébrer des mariages qu'ils savent frauduleux, car destinés exclusivement à régulariser le séjour de l'époux étranger".

Sans surprise, la proposition des députés UDR a été soutenue par leurs alliés du Rassemblement national qui ont jugé "profondément choquant qu'un étranger en situation irrégulière, ayant violé nos lois migratoires, puisse ensuite en tirer avantage en se mariant".

Par la voix du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, le gouvernement a appuyé certaines mesures annexes du texte, celles visant à renforcer la lutte contre les "mariages blancs". "Le mariage républicain ne peut être vecteur de la régularisation de fait, une forme de régularisation par effraction", a notamment estimé le garde des Sceaux, qui n'a en revanche pas soutenu l'article interdisant aux personnes en situation irrégulière de se marier, celui-ci n'étant "manifestement pas constitutionnel". Un point de vue partagé par le président de la commission des lois, Florent Boudié, (Ensemble pour la République), et sa collègue Emmanuelle Hoffman (Ensemble pour la République).

La gauche joue la montre pour s'opposer au texte

Les groupes de gauche ont, quant à eux, longuement défendu leurs nombreux amendements cherchant à l'évidence à ralentir les débats. Objectif : prolonger les échanges jusqu'à minuit, heure de clôture de la séance, et ainsi empêcher un vote sur le texte, qui a été repris par le groupe présidé par Eric Ciotti après avoir été adopté au Sénat en février dernier.

Au cours des débats, François Piquemal (La France insoumise) a fustigé le "fantasme du mariage blanc (...) vieille lubie de l'extrême droite", tandis que Paul Christophle (Socialistes) a jugé que le "seul objectif" de cette proposition de loi était de "faire avancer [une] vision rance de la France". Qualifiant les défenseurs du texte de "délinquants constitutionnels", Léa Balage El Mariky (Ecologiste) a dénoncé une proposition qui "entrave l'exercice d'une liberté fondamentale, celle d'aimer".

L'attitude des députés de gauche a profondément irrité Eric Ciotti, qui a critiqué une "grossière volonté d'obstruction". Le président des députés UDR a demandé à plusieurs reprises à Gérald Darmanin d'utiliser l'article 44 alinéa 2 de la Constitution, qui permet au gouvernement d'écourter les débats en refusant l'examen des amendements qui n'ont pas été examinés en commission.

De son côté, la présidente du groupe RN, Marine Le Pen, a mis en garde les élus de gauche, les menaçant d'utiliser la même technique lors de leurs futures journées d'initiative parlementaire : "Vous nous avez donné goût aux amendements et nous ne manquerons pas, lors de vos niches, de nous faire plaisir", a-t-elle déclaré. 

Le rapporteur quitte l'hémicycle

C'est aux alentours de 23h que le déroulement de la séance a déraillé. Le ministre de la Justice a pris la parole pour expliquer qu'il n'userait pas des prérogatives de l'article 44 de la Constitution : selon lui, l'examen de la proposition de loi ne pouvait de toute façon pas aller à son terme puisque l'opposition de gauche était déterminée à l'empêcher. Face à ce refus et constatant que "les bancs [de la Droite républicaine étaient] totalement vides", Eric Ciotti a accusé le socle gouvernemental d'être "complice de l'extrême gauche pour favoriser les mariages blancs".

Dans sa réponse, Gérald Darmanin a estimé que le groupe UDR avait "mal géré" sa journée d'initiative parlementaire, évoquant avec une certaine ironie le retrait par Eric Ciotti, jeudi matin, de la proposition de résolution visant à "dénoncer les accords franco-algériens du 27 décembre 1968 et du 16 décembre 2013" : "Personne ne comprend pourquoi d'un seul coup vous devenez si attentifs aux demandes du régime algérien", a lancé le garde des Sceaux. 

Vous avez mal géré votre journée parlementaire, c'est un fait. Gérald Darmanin

"Vous ne serez jamais président de la République parce que votre duplicité se voit", lui a répondu Eric Ciotti, estimant que Gérald Darmanin avait "franchi toutes les limites de l'indignité" : "Le ministre des Affaires étrangères m'a appelé trois fois pour me souligner que la résolution était susceptible de remettre en cause la libération de M. Boualem Sansal !", a affirmé le député des Alpes-Maritimes. C'est alors que l'ensemble des députés RN et UDR ont quitté l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

Une preuve de "lâcheté" selon Pierre Cazeneuve (Ensemble pour la République), qui a déclaré qu'"Eric Ciotti restera dans les poubelles de l'Histoire". Sa collègue, Prisca Thévenot (Ensemble pour la République) a tiré son propre bilan de la journée d'initiative parlementaire des députés UDR : "L'extrême droite au pouvoir, c'est une extrême droite qui propose des textes pour les petits copains." Une allusion à la proposition de loi "visant à protéger l'effectivité du droit fondamental d'éligibilité", qui a été "taillée sur mesure" pour Marine Le Pen selon les députés du parti présidentiel, mais qui n'a pas été adoptée par l'Assemblée nationale au cours des débats qui ont eu lieu plus tôt dans la journée.

D'ultimes prises de parole en forme de réquisitoire qui ont donc eu lieu en l'absence Eric Ciotti, tandis que le rapporteur de la proposition de loi visant à lutter "contre les mariages simulés ou arrangés", Eric Michoux (UDR), avait lui aussi quitté l'hémicycle. L'examen du texte ne pouvant pas se poursuivre sans ce dernier, le président de séance, Roland Lescure (Ensemble pour la République), a levé celle-ci à 23h26.