"Nous avons fait œuvre utile" : les députés ont adopté le budget de la Sécurité sociale

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L'Assemblée nationale, à Paris.
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mardi 9 décembre 2025 à 22:15, mis à jour le Mardi 9 décembre 2025 à 22:35

Les députés ont adopté, en nouvelle lecture, le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026 - avec 13 voix de majorité (247 voix, contre 234) -, ce mardi 9 décembre. Une étape décisive pour le texte et une victoire cruciale pour Sébastien Lecornu. Récit d'une journée restée incertaine jusqu'à l'annonce du résultat du vote. 

Une même salle, deux ambiances. Il est 19h52, dans la salle des Quatre-Colonnes de l'Assemblée nationale, située à proximité de l'hémicycle, quand la présidente du groupe de La France insoumise, Mathilde Panot, lance, face aux journalistes et entourée de plusieurs de ses collègues : "Ce vote confirme le changement d'alliance du PS, qui décide donc de rejoindre le camp des soutiens au gouvernement. En démocratie, quand on vote un budget, on est dans la majorité". Quelques mètres derrière, les socialistes - accusés de trahison par les insoumis - attendent de pouvoir parler à la presse.

Les insoumis repartent, les socialistes s'avancent ; ils se croisent, les mines sont fermées. "Nous avons travaillé dans le seul intérêt des Français. (...) Je crois que ce soir nous pouvons dire que nous avons fait œuvre utile", répond le chef de file du groupe Socialistes, Boris Vallaud, lui aussi accompagné des siens. "Ce n'est pas notre budget, mais ce n'est pas celui que le gouvernement a déposé", renchérit-il peu après, dans une opération de service après-vente, où il se félicite d'avoir fait "un pari exigeant", celui des "débats budgétaires".

Quelques minutes plus tôt, à 13 voix près, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 a été adopté, en nouvelle lecture, par les députés : 247 voix "pour", 234 voix "contre", et 93 abstentions (retrouvez ici le détail du scrutin).

-> Lire aussi - Adoption du projet de budget de la Sécurité sociale à l'Assemblée : qui a voté quoi ?

L'échange matinal entre Montchalin et Chatelain

20h04, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, passe salle des Quatre-Colonnes. Sans s'arrêter. "Je ne réagis pas en direct. Il y a déjà eu beaucoup de direct aujourd'hui", déclare celle qui, le matin même, était l'invitée de BFMTV.  Quasiment, au même moment, la présidente du groupe Ecologiste et social, Cyrielle Chatelain, était, elle, sur RMC. Les deux femmes échangent sur le vote qui aura lieu quelques heures plus tard dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. 

Finalement, lors du scrutin, une large majorité des députés écologistes s'est abstenue, après le vote d'un amendement gouvernemental visant à augmenter l'objectif des dépenses de l'assurance maladie (Ondam) de 3%, au lieu de 2% prévus initialement. "Si j'écoutais mon cœur et si j'écoutais mes tripes, je voterais contre ce texte", a toutefois déclaré Cyrielle Chatelain à la tribune. "Je leur dis : écoutez votre coeur, sinon c'est la compromission" déplore, comme en écho, quelques minutes après le vote Aurélie Trouvé (La France insoumise), croisée dans les couloirs du Palais-Bourbon. Pour elle, la surprise est principalement venue des rangs écologistes (3 "pour", 9 "contre" et 26 abstentions). "Aucun syndicat hospitalier n'appelait à voter contre" le budget de la Sécurité sociale, justifie Sandra Regol (Ecologiste et social). Sa collègue de groupe Sandrine Rousseau a, elle, voté contre le texte : "Le gouvernement a fait tapis. Il a présenté des milliards dans les dernières heures. On ne sait pas d'où ils viennent !", s'exclame-t-elle.  

Une incertitude jusqu'au dernier moment

La bascule est aussi venue des troupes de Laurent Wauquiez. Au sein du groupe Droite républicaine, 18 députés ont finalement voté "pour" le budget de la Sécurité sociale (3 "contre" et 28 se sont abstenus). "Un naufrage", selon les mots d'Eric Ciotti, l'ancien président des Républicains, désormais allié avec le Rassemblement national. "La majorité s'abstenait, mais on a fait en sorte que le texte puisse être adopté", a résumé au micro de LCP la députée Justine Gruet (Droite républicaine), pour qui "l'objectif était d'être responsable et raisonnable". Même chose du côté du groupe Horizons, où le président Paul Christophe expliquait ainsi l'attitude des siens (9 "pour", 25 abstentions), un peu plus tard, salle des Quatre-Colonnes : "Il était légitime qu'on ne s'inscrive pas parmi les artisans du chaos", mais "qu'on puisse affirmer les choses, ce qui ne va pas dans ce budget, sans que ça fasse entrave à son adoption".

Pourtant, jusqu'au vote, dans les couloirs de l'Assemblée nationale, personne ne savait de quel côté la pièce allait retomber. Chacun y allait de son petit calcul, cherchant chez l'autre une approbation, voire une contradiction. "On tombe à 235 pour et 235 contre", expliquait un collaborateur de groupe, quand un autre estimait que le "contre" allait l'emporter à huit voix. "C'est un jeu de cons, quand tu gagnes d'un côté, tu perds de l'autre", déplorait un conseiller ministériel, qui imaginait que cela se jouerait à deux voix près… dans un sens ou dans l'autre. Un député DR tablait, lui, sur une adoption à dix voix, quand l'un de ses collègues socialistes anticipait un rejet du texte, à une voix. De quoi s'y perdre.

Et maintenant, le projet de loi de finances

Ce mardi soir, le vote est passé, et le projet budget de la Sécu a été adopté en nouvelle lecture. Sébastien Lecornu qui n'était pas présent dans l'hémicycle lors des débats du jour  valide une étape politique majeure. Et une méthode aussi ; lui qui avait fait le choix de ne pas recourir au 49.3 et de laisser se dérouler les discussions, en espérant aboutir à un compromis. Le Premier ministre a réagi sur X, dans la foulée de l'adoption : "Cette majorité de responsabilité montre que le compromis n’est pas un slogan : il permet d’avancer dans le sens de l’intérêt général." Une satisfaction également partagée sur le réseau social par sa ministre Amélie de Montchalin : "Une majorité de compromis et de responsabilité s’est formée."

Le budget de la Sécurité sociale va maintenant être examiné, en nouvelle lecture, au Sénat qui, sauf surprise, le rejettera ou ne le votera pas conforme , puis le texte reviendra en lecture définitive à l'Assemblée nationale.

Mais un nouvel obstacle se dresse désormais devant le Premier ministre : le projet de loi de finances de l'Etat. Sa méthode fonctionnera-t-elle à nouveau ? Rien est moins sûr. "Ce sera difficile. Peut-être plus encore que ces dernières semaines. Mais l’état d’esprit du Gouvernement ne changera pas : l’intérêt général d’abord, sans céder ni à la fébrilité, ni aux agendas électoraux", a d'ores et déjà anticipé Sébastien Lecornu.