"Polluants éternels" : l'Assemblée adopte définitivement un texte visant à réduire l'usage des PFAS

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Nicolas Thierry (Ecologiste et Social), le 20 février 2025.
Nicolas Thierry (Ecologiste et Social), le 20 février 2025. LCP
par Maxence Kagni, le Jeudi 20 février 2025 à 15:55, mis à jour le Jeudi 20 février 2025 à 17:05

A l'initiative des députés écologistes, l'Assemblée nationale a définitivement adopté, ce jeudi 20 février, une proposition de loi interdisant dès 2026 les "substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées" (plus connues sous le nom de PFAS) dans les cosmétiques, la plupart des textiles d'habillement et les chaussures. 

Les cosmétiques ne devront plus contenir de polluants éternels à partir du 1er janvier 2026. L'Assemblée nationale a adopté, ce jeudi 20 février, la proposition de loi visant à "protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées", aussi connus sous le nom de PFAS (213 pour, 51 contre, 7 abstentions).

Les PFAS sont "une famille de substances chimiques inventées au XXe siècle par quelques industriels", a rappelé en séance le rapporteur du texte Nicolas Thierry (Ecologiste et social). Réputés imperméables, ignifuges ou encore anti-tâches, les PFAS sont aussi associés par "la littérature scientifique" à des "risques sérieux pour la santé", comme "l'altération de la fertilité, des maladies thyroïdiennes" ou encore des "cancers", a-t-il souligné.

La proposition de loi - présentée en première lecture par les députés écologistes il y a un an - prévoit donc d'interdire progressivement leur utilisation pour plusieurs catégories de produits : chaussures, vêtements, autres textiles... Lors de la deuxième lecture, qui a eu lieu ce jeudi, l'Assemblée a voté le texte dans les mêmes termes que le Sénat. Ce qui veut dire que celui-ci est définitivement adopté par le Parlement.   

Une interdiction en deux temps

A partir du 1er janvier 2026, il sera donc interdit de fabriquer, importer, exporter ou mettre sur le marché certains produits contenant des PFAS. Il s'agira des :

  • cosmétiques,
  • produits de fart pour les skis,
  • produits d'habillement,
  • chaussures, 
  • agents imperméabilisants de produits textiles d'habillement.

L'interdiction ne concernera pas les tenues et chaussures conçues pour la protection et la sécurité des personnes comme, par exemple, les tenues des pompiers.

A partir du 1er janvier 2030, les produits textiles contenant des PFAS seront interdits, sauf s'ils sont "nécessaires à des utilisations essentielles", s'ils "contribuent à l'exercice de la souveraineté nationale [et qu'il] n'existe pas de solution de substitution" ou s'ils sont des "textiles techniques à usage industriel".

Une "immense victoire" pour les écologistes

La proposition de loi était examinée dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Ecologiste et Social. Face à un "problème sanitaire d'une gravité inédite", le rapporteur Nicolas Thierry a défendu les vertus de son texte, qui a pour but de "faire de la France l'un des pays les mieux armés pour protéger sa population des risques liés à ces polluants éternels". 

A l'issue de la séance, le député de Gironde a salué "une immense victoire", tout en appelant à "continuer le combat" : "La politique, si elle reprend sa place, peut protéger le bien commun." La présidente du groupe Ecologiste et Social, Cyrielle Chatelain, a pour sa part jugé que l'adoption du texte était "une petite lueur positive dans la période".

Les ustensiles de cuisine pas concernés

La proposition de loi des députés écologistes a obtenu le soutien de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. "Nous devons continuer à travailler avec les scientifiques, les industriels, à tenir un discours de vérité, reconnaître que ce n'est pas tout blanc ou tout noir", a-t-elle néanmoins expliqué. La ministre a affirmé que si "certains PFAS sont dangereux", "d'autres sont considérés comme à faible impact".

Dans l'hémicycle, le texte a aussi été soutenu par la plupart des groupes représentés à l'Assemblée nationale. "Nous ne pouvons pas rester sourds aux inquiétudes légitimes exprimées par nos concitoyens", a expliqué Vincent Descoeur (Droite républicaine), tandis que Stéphane Delautrette (Socialistes) a jugé qu'il était "grand temps que le législateur agisse".

D'autres, comme David Taupiac (LIOT), ont jugé que ce texte "amoindri" n'était qu'une "étape symbolique". De même, Anne Stambach-Terrenoir (La France insoumise) a dit sa "déception" de "voir tous les sacrifices faits sur ce texte". Contrairement à la version initialement présentée en février 2024, la proposition de loi n'interdit plus la présence de PFAS dans les ustensiles de cuisine : "Le texte qui nous parvient n'est pas celui que j'ai déposé ni ne correspond en tous points à mon ambition initiale", a reconnu le rapporteur Nicolas Thierry, qui assume cependant, comme son groupe, d'avoir accepté une version de compromis pour faire avancer la lutte contre PFAS. 

Le Rassemblement national vote contre

Seul les députés du Rassemblement national ont voté contre, ainsi que Philippe Juvin (Droite républicaine). "Les propositions de loi interdisant les PFAS ont déjà des conséquences dramatiques sur l'emploi et notre souveraineté", a justifié Emeric Salmon (RN). Selon l'élu du groupe de Marine Le Pen, il sera "impossible de contrôler la présence de PFAS dans les produits importés". 

Son collègue Frédéric-Pierre Vos (RN) a, quant à lui, estimé qu'"aucune étude sérieuse n'est aujourd'hui pour statuer sur la dangerosité" des PFAS. "Nous sommes inquiets de l'empressement à produire de la loi par nos collègues de gauche et d'extrême gauche et des répercussions d'un tel texte sur notre souveraineté industrielle", a ajouté Eric Michoux (Union des droites pour la République). Les députés de son groupe, présidé par Eric Ciotti, se sont abstenus au moment du vote final.

Cette loi entraînera la fermeture de sites industriels français. Eric Salmon (RN)

Des interventions critiquées Stéphane Delautrette (Socialistes), qui a estimé que "les représentants de l'extrême droite cèdent aux représentants des lobbys". La ministre Transition écologique a, quant à elle, considéré que les industriels français pourront faire de l'absence de PFAS dans leurs produits un "argument vis-à-vis de leurs clients". A l'issue du vote, Agnès Pannier-Runacher a salué l'adoption du texte sur ses réseaux sociaux, jugeant qu'il s'agissait d'un "pas de plus pour mieux encadrer l’usage de ces molécules et protéger notre environnement et la santé des Françaises et des Français".