Projet de loi pour Mayotte : "Nous n'avons pas laissé tomber" l'archipel, déclare Manuel Valls

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Manuel Valls
Manuel Valls auditionné à l'Assemblée nationale, le 10 juin 2025.
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mercredi 11 juin 2025 à 10:53

Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a été auditionné sur le projet de loi "de programmation pour la refondation de Mayotte" par les députés des commissions des lois et des affaires économiques, mardi 10 juin. "Il est hors de question de se contenter d'un travail de reconstruction", a-t-il indiqué. Examiné en commission cette semaine, le texte sera débattu à partir du 23 juin dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

Six mois après le passage du cyclone Chido et l'adoption mi-février d'un projet de loi d'urgence pour Mayotte, les députés se penchent de nouveau sur le sujet, avec l'examen, en procédure accélérée, d'un texte pour la "refondation" de l'archipel, déjà adopté par le Sénat fin avril. Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a été auditionné à ce sujet, mardi 10 juin, par les commissions des lois et des affaires économiques, à la veille de l'entame de l'examen des articles, ce mercredi 11 juin. Le projet de loi sera ensuite débattu à partir du 23 juin dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

"Les défis demeurent immenses", a déclaré Manuel Valls mardi, assurant de "l'engagement sans faille des services de l'Etat" dans les "trois phases de réponse à la crise" mahoraise, de "la gestion des urgences vitales", de la "reconstruction", puis de la "refondation" du département le plus pauvre de France. "Nous n'avons pas laissé tomber Mayotte", a martelé le ministre devant les députés.

"Si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé les difficultés structurelles qui existaient déjà", a expliqué Manuel Valls, pour qui "il est hors de question de se contenter d'un travail de reconstruction qui ferait revenir au mieux à la situation très insatisfaisante de l'avant-Chido". Parmi les "enjeux criants" cités lors de son audition : l'école, l'eau, la gestion des déchets, la question des déplacements et aussi l'immigration

Sur l'immigration, Valls anticipe de "vifs débats"

Comme au Sénat, c'est le volet migratoire et sécuritaire qui devrait susciter le plus de débats. La lutte contre l'immigration clandestine a en effet été érigée en priorité par le gouvernement, face à l'afflux massif d'étrangers en situation irrégulière, venus des Comores voisines. Le texte durcit en effet les conditions d'accès au séjour, centralise les reconnaissances de paternité à Mamoudzou et augmente les peines pour reconnaissance frauduleuse de paternité. Il facilite aussi les expulsions de bidonvilles. 

L'immigration clandestine et l'habitat illégal sont les "deux fléaux sous lesquels Mayotte ploie", a affirmé Manuel Valls, anticipant des "débats vifs" sur ces sujets lors de l'examen du projet de loi. "Si on ne traite pas ces questions, on ne traite pas l'un des problèmes", a poursuivi le ministre, interpellé par des députés. Aurélien Taché (La France insoumise) a notamment dénoncé "un texte [qui] ne règlera rien des problèmes des Mahorais", mais qui "sera en revanche une vraie mine d'or pour le Rassemblement national qui y trouvera tout ce qu'il faut pour actualiser son programme". 

De son côté, Olivier Marleix (Droite républicaine) a estimé qu'on "ne changera rien" à Mayotte "sans une rupture fondamentale sur ces questions de contrôle de l'immigration, qui sont au cœur de la reprise en main et de l'avenir de ce territoire". Avec son collègue Philippe Gosselin (DR), rapporteur de deux titres du projet de loi, il a pointé du doigt le titre de séjour territorialisé en vigueur sur l'archipel et appelé à son abrogation - à laquelle Manuel Valls s'est dit défavorable - ou à son durcissement. "Il faut envoyer un message clair : il n'y aura pas de prime à rentrer et à se maintenir illégalement en espérant être régularisé ultérieurement. C'est bon de le dire, de le marteler et de l'inscrire dans la loi", a insisté Philippe Gosselin.

Et la députée de Mayotte, Anchya Bamana (Rassemblement national) de renchérir, estimant que "tant que la vague migratoire ne s'arrêtera pas (...) tout plan sera vain". 

Le Smic sera à 87,5% du montant national au 1er janvier 2026

Lors de son audition, Manuel Valls a également abordé la question du financement, avec une promesse : débloquer "3,9 milliards d'investissement pour soutenir le développement de Mayotte". "C'est vrai que l'exercice est délicat dans un contexte budgétaire contraint", a déclaré le ministre, en annonçant la tenue d'un prochain Comité interministériel aux Outre-mer le 10 juillet 2025, qui "va venir entériner un certain nombre d'engagements financiers". Il a également rappelé que le Sénat avait voté un amendement prévoyant la remise au Parlement d'ici le 31 décembre 2025 "d'une programmation détaillée et annualisée".

Sur la question de la convergence des prestations sociales avec la métropole, Manuel Valls a répondu à Aurélien Taché (LFI) sur le Smic. "Ne me racontez pas qu'on attend 2031 ou la Saint-Glinglin !", a-t-il lancé, tout en indiquant qu'il sera à 87,5% du montant national au 1er janvier 2026, avec une hausse chaque année, pour atteindre 100% au 1er janvier 2031. "On ne peut pas dire que c'est rien. Ce n'est pas un cadeau qu'on fait aux Mahorais, ils attendent cela, mais il faut que cela soit fait de manière soutenable pour l'économie et les entreprises", a défendu Manuel Valls

"Vous continuez à parler de convergence sociale là où les Mahorais revendiquent l'alignement des droits sociaux" sans attendre, a lancé Anchya Bamana (RN), dénonçant une convergence déjà reportée par le passé. "Ce projet de loi apparaît comme une manœuvre de reconditionnement de promesses non tenues, sans réelle ambition ni engagements financiers inédits", a-t-elle fustigé.

Une loi "largement insatisfaisante", déplore Estelle Youssouffa

Autre dossier qui sera au centre des discussions : la question de l'aéroport. Et les articles 19 bis et 19 ter "qui ont pour vocation d'accélérer et de commencer les travaux deux ans plus tôt qu'une procédure classique", a expliqué le ministre, qui a prévenu : "Sans l'adoption de ces dispositifs adaptés à l'urgence de la situation, les travaux ne pourront pas débuter avant au moins fin 2028. Et tous les aléas entraînés par l'état de la piste actuelle seront prolongés d'autant. Je ne peux ainsi que vous invitez à bien réfléchir avant de voter. Ce sont les mahorais qui subiront de plein fouet le débat parisien."

Plusieurs députés ont mis en garde contre un "énième plan" pour Mayotte. "Les Mahorais sont épuisés et fatigués par l'annonce de plans successifs qui s'accumulent depuis 20 ans", a déclaré Philippe Naillet (Socialistes). Elue de l'archipel, Estelle Youssouffa (LIOT), rapporteure du titre 5 et du projet de loi organique examiné en parallèle, a déploré un Etat "pas à la hauteur". "Pas un seul chantier de construction n'a commencé, pas un seul", a-t-elle regretté, évoquant "un département en alerte rouge, cramoisi, à tous les niveaux, et ce bien avant les cyclones". "Cette loi de programmation n'est pas un luxe, nous l'envisageons comme une loi de rattrapage qui se dessine enfin", a poursuivi Estelle Youssouffa, avant de conclure : "Nous ne lâcherons rien dans ce combat républicain. Et si cette loi Mayotte 2 est largement insatisfaisante, nous arracherons toute avancée possible et nous nous battrons pour l'étoffer."