Projets de loi : Comment ont voté les groupes de l'Assemblée depuis le début de la législature ?

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Les votes des différents groupes parlementaires sur les principaux projets de loi de la XVIème législature
Les votes des différents groupes parlementaires sur les principaux projets de loi de la XVIème législature
par Raphaël MarchalMaxence Kagni, le Lundi 19 juin 2023 à 07:45, mis à jour le Vendredi 7 juillet 2023 à 16:48

Il y a un an, le 19 juin 2022, les Français ont élu une Assemblée nationale sans majorité absolue. Une situation qui oblige le gouvernement à construire des majorités texte par texte, en obtenant le vote, ou l'abstention, d'autres groupes que ceux qui forment la coalition présidentielle. Quel a été le comportement des dix groupes politiques du Palais-Bourbon depuis le début de la législature ? LCP a fait le comptes. 

C'est une situation inédite depuis plus de 30 ans. Sans majorité absolue à l'Assemblée nationale, sur chaque projet de loi, le gouvernement doit s'assurer du soutien d'autres groupes politiques que ceux qui font partie de la coalition présidentielle ou, au moins, de l'abstention de certains groupes d'opposition.  

Une stratégie contrainte qui atteint ses limites lorsqu'il s'agit des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale qui marquent traditionnellement, surtout s'agissant du budget de l'Etat, l'appartenance à la majorité ou à l'opposition. Ces deux textes fondamentaux sur lesquels toutes les oppositions avaient annoncé leur intention de s'opposer, ainsi que la réforme des retraites, n'ont pas été pris en compte dans nos calculs puisqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un vote autre que celui des motions de censure, qui ont été déposées et rejetées, suite à l'engagement de la responsabilité du gouvernement. 

Une majorité relative, mais fidèle 

Hormis ces textes, l'Assemblée a examiné et, sauf exceptions, adopté définitivement onze projets de loi emblématiques de l'action du gouvernement (soutien au pouvoir d'achat, réforme de l'assurance chômage, loi d'orientation et de programmation en matière de sécurité, relance du nucléaire et accélération de la production d'énergies renouvelables, etc.). 

Un an après les élections législatives, l'heure d'un premier bilan. Comment ont voté les dix groupes politiques du Palais-Bourbon ? Quels sont les groupes qui ont été les plus constructifs avec l'exécutif ? Quels sont ceux qui se sont le plus opposés au projets du gouvernement ? Pour le savoir, LCP a analysé le résultat des scrutins sur les principaux projets de loi dont l'Assemblée a terminé l'examen et sur lesquels un vote a eu lieu. 

 

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Sans surprise, les trois groupes de la majorité relative (Renaissance, Démocrate et Horizons) ont été très fidèles : ils ont soutenu et voté tous les textes présentés par le gouvernement depuis le début de la législature en juin 2022.  

Les Républicains, critiques et... constructifs

Compte tenu de la composition de l'Assemblée nationale et du positionnement politique des Républicains, le gouvernement sait que le groupe LR détient la clé du vote de nombreux projets de loi. L'exécutif prête donc une attention particulière au 62 députés de droite, tandis que le groupe présidé par Olivier Marleix se montre globalement très critique avec le gouvernement, revendiquant sa place dans l'opposition, tout en votant fréquemment les projets de loi présentés.

Résultat, depuis un an, au fil des différentes lectures et des projets de loi, Les Républicains ont voté les textes de l'exécutif dans 64 % des cas. Le groupe LR est ainsi le groupe d'opposition qui a le plus approuvé les principaux projets de loi, devant Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires (Liot). 

Les députés du parti d'Eric Ciotti ont néanmoins voté contre dans 27% des cas. Ils se sont ainsi opposés au projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027, ainsi qu'au projet de loi d'approbation des comptes de 2021. Deux textes qui n'ont finalement pas été adoptés. Ils ont également voté contre le projet de loi énergies renouvelables qui a été adopté grâce au soutien d'autres groupes. 

Par ailleurs, concernant les textes qui ne figurent pas dans ce décompte, comme tous les autres groupes d'opposition, Les Républicains avaient annoncé leur intention de voter contre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ce qui a conduit la Première ministre, Elisabeth Borne, à engager la responsabilité du gouvernement pour faire adopter les budgets de l'année 2023. 

Cependant, Les Républicains n'ont pas voté les motions de censure déposées en réponse à l'utilisation du 49.3 sur le PLF et le PLFSS. En revanche, les députés LR ont été 19 à voter la censure suite à l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur la réforme des retraites.   

Le Rassemblement national, une opposition en quête d'institutionnalisation 

Régulièrement accusé de faire le jeu du gouvernement par les députés de La France insoumise, le groupe Rassemblement national s'est opposé à 57 % des projets de loi. Les élus emmenés par Marine Le Pen ont toutefois approuvé 38 % des textes de l'exécutif, davantage que les groupes de la Nupes.

Très groupés dans leurs votes, les députés RN ont notamment approuvé les mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat au début de la législature, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur, le texte prévoyant la sécurisation des Jeux olympiques de Paris, ou encore l'accélération de la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Comme tous les autres groupes d'opposition, le groupe Rassemblement national avait, en revanche, annoncé qu'il voterait contre le budget de l'Etat et celui de la Sécurité sociale. Il s'est aussi opposé à la réforme des retraites et a déposé quatre motions de censure contre le gouvernement, tout en votant certaines motions déposées par la Nupes, ainsi que celle déposée par le groupe Liot - qui n'a pas été adoptée à 9 voix près - suite à l'utilisation du 49.3 sur les retraites. 

Au sein de la Nupes, plusieurs nuances d'opposition

En matière de votes sur les textes du gouvernement, le bilan des quatre groupes de la Nupes n'est pas homogène, avec des différences significatives des insoumis aux socialistes. Point commun : sur les textes fondamentaux - projet de loi de finances, projet de loi de financement de la Sécurité sociale, réforme des retraites - les groupes de gauche se sont tous opposés.  

Concernant les autres projets de loi significatifs, le groupe de La France insoumise et le groupe Ecologiste n'ont voté aucun des onze textes présentés par le gouvernement depuis le début de la législature.

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Les députés LFI sont ceux qui se sont le plus opposés à la politique du gouvernement, en votant contre 95 % des textes. Ils n'ont voté en faveur d'aucun texte et ne se sont abstenus que sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022 (dans sa version issue de la commission mixte paritaire), qui créait de nouvelles aides face à la hausse des prix de l'énergie à la fin de l'année 2022.

Les groupes communiste (Gauche démocrate et républicaine) et Écologiste se sont opposés dans les mêmes proportions (82 % de votes contre) à une différence près : les membres du groupe GDR ont soutenu le projet de loi relatif à "l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires".

Au sein de la Nupes, le groupe Socialistes est celui qui - de façon très relative cependant - a le plus voté en faveur des textes gouvernementaux (énergies renouvelables et veille sanitaire). Les députés PS ont surtout été les champions de l'abstention : ils se sont abstenus sur 45 % des projets de loi passés en revue, par exemple sur la loi de programmation et d'orientation du ministère de l'Intérieur, loin devant les députés écologistes (18 %), ainsi que les députés GDR et LR (9 %). Le groupe présidé par Boris Vallaud s'est, en revanche, opposé à 41% des textes soumis au vote de l'Assemblée, notamment sur la réforme de l'assurance chômage. 

Par ailleurs, signe de leur opposition au gouvernement, les groupes de la Nupes ont déposé six motions de censure ensemble, La France insoumise en ayant déposé six autres sans ses partenaires de l'alliance de gauche.  

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Liot : jusqu'aux retraites, des votes en majorité favorables au gouvernement

Les députés du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) se sont fait connaître par leur opposition frontale à la réforme des retraites. Jusque-là, le groupe présidé par Bertrand Pancher avait voté en faveur de la majorité des textes gouvernementaux (57 %), avec une particularité liée à sa composition. 

Le groupe Liot - qui rassemble des centristes, des élus issus de la gauche et de la droite, venus des quatre coins de la France du Morbihan à la Guadeloupe, en passant par la Corse et les Vosges - est celui dont le vote est le moins homogène. Il n'est pas rare que les positions de ses députés soient très partagées, comme cela a été le cas, par exemple, lors du vote sur le projet de loi "portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi" (2 pour, 12 contre, 6 abstentions).

Par ailleurs, la motion de censure "transpartisane" des députés Liot, déposée en réponse à l'utilisation du 49.3 sur la réforme des retraites, est celle qui a obtenu le meilleur score sur les 17 motions mises au voix depuis le début de la législature. Avec 278 voix - elle a été votée par les députés de la Nupes, par ceux du RN, ainsi que par un tiers des députés LR - il ne lui a manqué que 9 voix pour faire tomber le gouvernement.  

Méthodologie 

La rédaction de LCP a analysé les 22 scrutins publics qui ont eu lieu sur les 11 principaux projets de loi présentés par le gouvernement depuis le début de législature

Les textes pris en compte portent notamment sur le soutien au pouvoir d'achat, la réforme de l'assurance chômage, la loi d'orientation et de programmation en matière de sécurité, l'accélération du nucléaire et de la production d'énergies renouvelables, etc. 

Les textes qui ont fait l'objet d'un recours au 49.3 (projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale, réforme des retraites), ainsi que les projet de loi ratifiant des accords internationaux, et les propositions de loi (d'initiative parlementaire), n'ont pas été pris en compte.