Rapport sur le collège Stanislas : des ex-inspecteurs pointent l'ajout d'un paragraphe par l'ex-cheffe de l'Inspection générale

Actualité
Image
Les responsables de la mission sur le collège Stanislas, le 21 mai
Les responsables de la mission sur le collège Stanislas, le 21 mai.
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mercredi 21 mai 2025 à 17:20, mis à jour le Mercredi 21 mai 2025 à 20:12

Des inspecteurs généraux - chargés de l'enquête menée en 2023 sur le collège parisien Stanislas, un établissement catholique privé sous contrat - ont pointé ce mercredi 21 mai le rôle de Caroline Pascal, l'ex-cheffe de l'Inspection générale et actuelle numéro deux du ministère de l'Education nationale, devant la commission d'enquête sur "le contrôle par l’Etat des violences dans les établissements scolaires". En cause : l'ajout d'un paragraphe à la lettre de conclusion de la mission.

"J'ai eu un scoop, car j'ai enfin appris qui avait rajouté ce paragraphe", a lancé Annie Dyckmans, sous serment, devant la commission d'enquête sur "les modalités du contrôle par l’Etat des violences dans les établissements scolaires", créée à la suite des révélations sur Notre-Dame de Bétharram.

Mercredi 21 mai, cette ancienne inspectrice générale de l'éducation, chargée de l'enquête menée en 2023 sur le collège parisien Stanislas a été entendue, avec quatre de ses collègues de l'époque, pendant près de deux heures trente. Au cœur des échanges : l'ajout d'un paragraphe à la lettre de transmission conclusive de la mission. Ce paragraphe indique notamment que "l'équipe ne confirme pas les faits d'homophobie, de sexisme et d'autoritarisme mis en avant par les articles de presse à partir de témoignages anciens".

Une conclusion rejetée par les deux ex-inspectrices, Annie Dyckmans et Françoise Boutet-Waïs. "C'est faux, le rapport dit tout le contraire, je ne comprends pas", a déclaré cette dernière face aux co-rapporteurs Violette Spillebout (Ensemble pour la République) et Paul Vannier (La France insoumise). "Ce paragraphe, je le réaffirme, je ne l'aurais jamais accepté (...) J'aurais refusé de signer le rapport", a-t-elle ajouté.

"Si je suis ici c'est parce que j'endosse totalement le rapport, mais je n'endosse pas la lettre de transmission. Si j'avais dû être consultée, j'aurais mis 'l'équipe a constaté que', et pas 'n'a pas constaté que'", a renchéri Annie Dyckmans, déplorant une modification "très grave", qui remet en cause son "intégrité professionnelle".

"Oui, il y a eu un ajout" à la lettre de transmission conclusive de la mission à destination du ministre de l'Education nationale d'alors, Gabriel Attal (qui venait de succéder à Pap Ndiaye), et "il a été fait par la cheffe de service" Caroline Pascal, a reconnu Patrick Allal, qui avait piloté la mission à son lancement, avant de devenir co-référent et relecteur du projet de rapport. La lettre de transmission a été "modifiée par la cheffe de l'Inspection générale" de l'Education, du Sport et de la recherche (IGESR), actuelle directrice générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) au ministère, a également indiqué Roger Vrand, qui avait succédé à Patrick Allal au pilotage de la mission. 

Une enquête initiée par le ministre Pap Ndiaye

Pour autant, Patrick Allal a estimé que cet ajout "répondait à une préoccupation du cabinet" ministériel, qui souhaitait avoir des réponses sur les accusations dans la presse. "Mais la lettre, quand on la lit en entier, est fidèle au rapport. Pour moi, il n'y a pas eu de dénaturation", a-t-il affirmé, précisant que Caroline Pascal avait "souhaité dans sa lettre de transmission répondre à la saisine" initiale du ministre, Pap Ndiaye"Non, ce n'est pas fidèle au rapport !", lui a rétorqué la présidente de la commission d'enquête Fatiha Keloua-Hachi (Socialistes), rappelant l'importance de ce document, "car c'est ce qui est lu par le ministre"

L'enquête sur le collège Stanislas, établissement catholique privé sous contrat parisien, avait été commandée en février 2023 par le ministre de l'Education alors en fonction, Pap Ndiaye, après des accusations de dérives homophobes et sexistes relayées dans la presse. Le rapport, sévère, rendu en juillet 2023, avait été dévoilé par Mediapart en janvier 2024, en pleine polémique sur la scolarisation des enfants de la ministre de l'Education de l'époque Amélie Oudéa-Castéra dans cet établissement catholique prestigieux.

Interrogé à propos d'éventuelles pressions sur cette enquête, Pap Ndiaye  qui a été auditionné par la commission le 15 mai  avait assuré que "personne au gouvernement" ne lui avait "reproché d'avoir lancé cette enquête sur Stanislas". "J'ai simplement (...) senti monter le bruit. Il y a eu une hausse du volume critique d'ensemble" de son action, avait-il affirmé. L'ex-ministre avait, par ailleurs, assuré n'être "jamais intervenu" pendant le déroulement de cette enquête et rappelé que le rapport avait été remis au ministère après son départ de la rue de Grenelle.

Elisabeth Borne ne veut plus de "commentaires" dans les lettres de transmission

Auditionnée par la même commission d'enquête, ce mercredi 21 mai après-midi, l'actuelle ministre de l'Education nationale, Elisabeth Borne, a été interrogée sur "la responsabilité" de Caroline Pascal. "La seule chose qui a une valeur, c'est le rapport des inspecteurs généraux. La lettre de transmission, c'est le courrier de la cheffe de l'Inspection, donc on peut considérer que c'est sa responsabilité, sa signature", a-t-elle répondu.

Malgré plusieurs relances du co-rapporteur Paul Vannier (La France insoumise), Elisabeth Borne n'est pas revenue sur l'importance d'une telle modification, mais répété que "ce qui a une valeur, c'est le rapport des inspecteurs généraux". "Je n'ai jamais vu de débats de ce type-là sur des lettres de mission", a-t-elle aussi déclaré, en évoquant ses précédentes fonctions au ministère des Transports, à celui de la Transition écologique ou du Travail.

Pour éviter toute "confusion", Elisabeth Borne a annoncé que, pour sa part, elle demanderait "à la cheffe de l'Inspection de faire simplement un courrier de transmission sans commentaires et je prendrai connaissance des rapports". "Un ministre est à même de comprendre un rapport sans avoir une synthèse", a-t-elle ajouté.

Quant à la prise en compte ou non des recommandations faites à l'établissement Stanislas, dont le délai est d'ores et déjà dépassé pour certaines selon Paul Vannier (LFI), la ministre a indiqué qu'un "suivi est prévu sur place le 28 mai" et que cette inspection fera le point sur "l'état de [leur] mises en œuvre".