Elisabeth Guigou était ministre de la Justice entre 1997 et 2000. Ce mercredi 7 mai, auditionnée par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, l'ancienne garde des Sceaux a dit n'avoir "aucun souvenir" de courriers que lui avait le procureur général de la cour d'appel de Pau sur les faits reprochés au père Carricart, ancien directeur de l'institution Notre-Dame de Bétharram. "J'ai interrogé bien sûr mes anciens collaborateurs, personne n'a de souvenir à ce sujet", a-t-elle assuré.
"Si je ne savais pas, d'autres savaient." C'est ainsi que François Bayrou s'était défendu le 18 février dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, lors d'une séance de questions au gouvernement, sur l'affaire des violences à Notre-Dame de Bétharram. "Parce que j'affirme devant vous, et vous le vérifierez, que le procureur général a tenu informé la Chancellerie sur ces affaires à quatre reprises dans l'année 1998", avait lancé le Premier ministre, citant nommément Elisabeth Guigou, à la tête du ministère de la Justice entre 1997 et 2000. Cette dernière a été auditionnée, ce mercredi 7 mai après-midi, par la commission d'enquête sur "les modalités du contrôle par l’Etat des violences dans les établissements scolaires".
Refusant de "spéculer" sur cette "polémique de bas étage", selon ses mots en réaction aux déclaration de l'actuel locataire de Matignon, Elisabeth Guigou est revenue sur la manière qu'elle avait eu, à l'époque en tant que garde des Sceaux, d'en finir avec "les instructions individuelles", afin de "supprimer les pressions de toutes sortes". "J'avais demandé à ce que les rapports arrivent directement à la direction des affaires criminelles et des grâces. C'était le directeur qui décidait si ces rapports méritaient d'être portés à mon attention, c'est-à-dire d’être envoyés ou communiqués aux membres de mon cabinet", a détaillé l'ancien ministre du gouvernement de Lionel Jospin. Ce pouvait être le cas sur des dossiers qui avaient un "écho médiatique important" ou qui étaient "de nature systémique" et sur lesquels elle était susceptible d'être interrogée en tant que ministre.
Mais Elisabeth Guigou l'a affirmé devant les deux co-rapporteurs de la commission d'enquête, les députés Violette Spillebout (Ensemble pour la République) et Paul Vannier (La France insoumise), elle n'a "aucun souvenir d'avoir été informée de l'affaire de l'institution Bétharram". "L'affaire Bétharram, j'ai interrogé bien sûr mes anciens collaborateurs, personne n'a de souvenir à ce sujet", a-t-elle répété quelques minutes plus tard. Ni "d'avoir eu d'avoir eu communication des documents que nous avons maintenant dans le dossier, c'est-à-dire des rapports du procureur général de Pau".
Est-ce que ça veut dire que rien n'a été communiqué à mon cabinet ? Je ne peux pas répondre à cette question avec certitude. eLISABETH gUIGOU
Mais "est-ce que ça veut dire que rien n'a été communiqué à mon cabinet ?", s'est elle-même demandée Elisabeth Guigou. Avant de répondre : "Je ne peux pas répondre à cette question avec certitude. Il faudrait interroger les archives de la direction des affaires criminelles et de grâces."
Questionnée sur ce qu'elle aurait fait si elle avait eu personnellement connaissance de ces alertes écrites, l'ex-garde des Sceaux a toutefois répondu qu'elle ne les aurait pas transmis à sa collègue de l'Education nationale, car la loi alors en vigueur l'en empêchait. "Il ne pouvait pas être question ni pour l'administration du ministère, ni pour moi, ni pour mon cabinet de déroger à l'application de la loi et la loi nous imposait de respecter le secret professionnel, le secret de l'instruction et la présomption d'innocence", a expliqué Elisabeth Guigou. Ce n'est qu'en 2016 après le vote d'une loi portée par les ministres Christiane Taubira (Justice) et Najat Vallaud-Belkacem (Education nationale) que de telles transmissions d'informations ont été permises, sous conditions.
Lors de son audition ce mercredi, Elisabeth Guigou a également jugé "pas anormal" que le procureur général et le sous-directeur des affaires criminelles et des grâces ait eu, le 26 mai 1998, un échange téléphonique à propos du père Carricart, directeur de l'institution catholique Notre-Dame-de-Bétharram, alors accusé de viol. "Je préférais quand même que ce soit fait par écrit", a-t-elle précisé.
A l'époque président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, François Bayrou a-t-il pu intervenir auprès de la direction des affaires criminelles et des grâces, et donc de la Chancellerie, pour que le procureur général consulte le dossier du père Carricart ? "Je ne peux pas imaginer que cette chose se soit produite", a affirmé Elisabeth Guigou.