Les réactions fusent de toutes parts depuis que l'ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, a évoqué dans Le Parisien une éventuelle "suspension" de la réforme des retraites qu'elle avait portée en 2023, afin de contribuer à trouver une issue à la crise politique. Publié mardi 8 octobre au soir, cette idée fait réagir les trois blocs qui composent le paysage politique, avec des nuances au sein même de certains d'entre eux.
"Il faut savoir écouter et bouger". Ces propos, tenus par l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne et publiés par Le Parisien, mardi 7 octobre au soir, n'en finissent plus de faire réagir. Cette déclaration de celle qui avait porté la réforme des retraites en 2023, et qui se prononce aujourd'hui pour sa "suspension" - "si c’est la condition de la stabilité du pays" -, n'aurait été concertée ni avec l’Elysée, ni avec Matignon.
Et si cette idée n'a à cette heure pas été rejetée par l'exécutif, Sébastien Lecornu a choisi de ne pas aborder le sujet lors de la courte allocution qu'il a prononcée ce mercredi matin depuis Matignon avant une ultime journée de consultations pour tenter de trouver une issue à la crise politique actuelle.
Alors que la suspension de la réforme vivement contestée en 2023 pourrait permettre à Sébastien Lecornu de parvenir à un accord avec la gauche hors LFI, certains membres du "socle commun", qui a sans doute vécu ses dernières heures, ont fait part de leur scepticisme. "Ça me gêne et je considère que si on devait aller dans cette direction, c'est dans le cadre d'un deal global", a ainsi déclaré la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République), en début de matinée sur RTL. Et d'affirmer qu'elle se refusait à "renoncer aux grandes réformes que nous avons faites".
Au sein même de l'ex-majorité présidentielle, certains députés estiment cependant que s'il elle permettait de sortir de la crise, une suspension serait acceptable en attendant que la prochaine élection présidentielle tranche la question des retraites.
En revanche, les entourages respectifs d'Edouard Philippe (Horizons) et de Bruno Retailleau (Les Républicains), ont fait part de leur franche opposition au scénario prôné par Elisabeth Borne. "On ne peut pas faire un compromis avec la vérité et le sens de cette réforme des retraites : il faut travailler plus, a indiqué l’entourage du président d'Horizons, avant de conclure : "Une suspension de la réforme des retraites, c’est non. Notre pays ne peut pas se le permettre". Selon des propos rapportés par Le Figaro, des proches du patron des Républicains préviennent quant à eux que "la droite est absolument opposée à la suspension de la réforme des retraites". Mais là encore, certains députés LR ne sont pas sur la même longueur d'ondes et déplorent une prise de position par trop catégorique.
Alors que la question des retraites est déterminante dans la position qu'adoptera le Parti socialiste en vue d'une éventuelle sortie de crise, son chef de file, Olivier Faure, a salué dès mardi soir "un réveil tardif, mais un réveil positif". "Ce que je souhaite, c’est que nous puissions maintenant porter ces débats à l’Assemblée", a affirmé le premier secrétaire du PS sur le plateau du 20 heures de France 2. "Nous n’avons jamais dit qu'il ne fallait aucune réforme des retraites mais que celle-là était injuste, car son financement reposait sur ceux qui ont commencé à travailler tôt, avec les métiers les plus pénibles et des salaires faibles", a-t-il complété sur FranceInfo ce mercredi matin, évoquant au travers de la suspension de la réforme "une avancée".
En fin de matinée, en sortant de l'entrevue des dirigeants socialistes avec Sébastien Lecornu, Olivier Faure a cependant indiqué qu'à ce stade, il n'existait pas d'"assurance" ni de "garantie" quant à la concrétisation de cette suspension. "Nous avons demandé que ce ne soit pas simplement un gel de l'âge légal, mais aussi de l'accélération sur la durée de cotisation", a-t-il ajouté.
Le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, a pour sa part commenté sur X les propos de l'ancienne Première ministre : "Il en aura fallu du temps à Elisabeth Borne pour comprendre que sa réforme des retraites, rejetée par 80% des Français, était un problème démocratique et social !", a-t-il estimé, enjoignant à "arracher cette victoire" avant de "gagner l'abrogation". La présidente des députés de La France insoumise, Mathilde Panot, a en revanche évoqué au travers de cette éventuelle suspension une "vaste fumisterie", réitérant l'exigence d'"abrogation" pure et simple et sans délai de la réforme.