Allongement des délais de l'IVG : après un parcours semé d'embûches, la loi définitivement adoptée

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Vote définitif de la proposition de loi IVG
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 23 février 2022 à 14:58, mis à jour le Vendredi 25 février 2022 à 15:43

À quelques jours de la fin de la session parlementaire, les députés ont adopté, en troisième lecture, la proposition de loi "visant à renforcer le droit à l'avortement". Dès promulgation de la loi, d'ici quelques semaines, les femmes pourront avorter jusqu'à 14 semaines, et non plus 12 semaines de grossesse.

"C'est un jour important dans la vie de cette Assemblée, c'est un jour important pour la santé sexuelle et reproductive, et c'est un jour important pour la santé des femmes", a déclaré le ministre de la Santé, Olivier Véran, en préambule du troisième examen de la proposition de loi "visant à renforcer le droit à l'avortement". C'est que l'adoption définitive du texte était loin d'être acquise d'avance, tant il s'est trouvé confronté à un parcours législatif semé d'embûches, entre les rejets systématiques du Sénat, un couple exécutif qui s'était dit opposé à sa mesure-phare, et l'obstruction caractérisée des opposants au texte à l'Assemblée. Alors que la proposition de loi avait été déposée le 25 août 2020 par Albane Gaillot (non inscrite), celle-ci ne cache pas avoir à plusieurs reprises douté de sa victoire et de la possibilité d'adoption du texte avant la fin de la législature.

"Si le gouvernement s'en est remis à la délibération des parlementaires, il a créé les conditions pour que ce travail et l'engagement portés par la majorité aillent à leur terme", a tenu à souligner Olivier Véran. Il est vrai que contre toute attente, le gouvernement avait en deuxième lecture permis la mise à l'ordre du jour du texte au Sénat, à un moment où ses chances d'avoir le temps d'être adopté s'amenuisaient. "D'un point de vue personnel je n'ai jamais fait mystère de ma position sur le sujet, et je me félicite que nous ayons trouvé une voix apaisée pour porter notre position commune", a-t-il ajouté, lui qui s'était dit favorable à l'allongement des délais de deux semaines, avant de vanter "un texte équilibré", "mesuré", et "profondément responsable".

Le soulagement des défenseurs du texte

Pour sa dernière montée à la tribune, Albane Gaillot ne briguant pas de nouveau mandat, la députée, visiblement émue, a tout de même formulé "un regret concernant la clause de conscience spécifique qui n'a pu être supprimée lors de cette législature". Elle a par ailleurs adressé "un salut sororal", à Marie-Noelle Battistel (Socialistes et apparentés), co-rapporteure du texte, avant de mettre en valeur le "travail collectif" qui avait été réalisé, également avec les députés de la majorité.

Une "fierté" pour le président du groupe La République en marche, Christophe Castaner, qui avait repris à son compte la proposition de loi pour une deuxième lecture en séance en novembre dernier, l'opposition ne disposant alors plus de la fenêtre de tir nécessaire pour porter le texte. "Nous avons surpassé la stratégie d’obstruction portée ici par certains", s'est-il ainsi félicité.

Alors que la législature se termine, je suis heureux que mon groupe ait mis l'énergie au service de cette proposition de loi, pour que le droit des femmes soit conforté, affirmé et renforcé. Christophe Castaner

Une dernière embûche avant le vote sans appel des députés

La députée Emmanuelle Ménard (non inscrite), proche du Rassemblement national, a tout de même tenté de porter une dernière estocade au texte, par la présentation d'une motion de rejet préalable. "Il n'est pas question ici de porter un quelconque jugement sur les femmes qui ont recours à l'avortement", a-t-elle tenu à préciser, avant d'accuser les défenseurs du texte de concevoir l'IVG comme "un droit au-dessus des autres, au-dessus de la vie même".

Vous pouvez faire des tremolos dans la voix pour culpabiliser les femmes (...) À 12 semaines c'est un embryon, à 14 semaines c'est un embryon, c'est-à-dire que ce n'est pas viable. Clémentine Autain

"Madame Ménard, je suis au regret de vous informer que vous avez perdu", lui a répondu Clémentine Autain (La France insoumise), avant d'ajouter : "la réalité de vos positions politiques, c'est la remise en cause fondamentale du droit à l'avortement". "Vous pouvez faire des tremolos dans la voix pour culpabiliser les femmes", a conclu la députée de Seine-Saint-Denis à propos du délai de recours à l'IVG, "à 12 semaines c'est un embryon, à 14 semaines c'est un embryon, c'est-à-dire que ce n'est pas viable". La motion a été rejetée à hauteur de 120 voix contre, 20 pour.

"Personnellement je voterai contre le texte car je crains que celles et ceux qui se retrouveront dans quelques semaines dans cet hémicycle, veuillent encore augmenter ce délai" a pour sa part déclaré une autre opposante à la proposition de loi en la personne de Geneviève Lévy (Les Républicains). Proposition de loi qui outre cette extension, qui a cristallisé le plus de désaccords, permet également aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales, la publication par les ARS d'un répertoire de l'ensemble des professionnels et structures pratiquant l'IVG, et la fin de l'obligation du délai de reflexion de 48 heures dans le cadre d'un entretien psychosocial. Le texte a été adopté à 135 voix pour, 47 contre.

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