"Rendez-vous prévention" aux âges clés de la vie, quatrième année d'internat pour les médecins généralistes, encadrement des téléconsultations... Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 a été adopté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale dans la nuit de mercredi à jeudi, avant son examen dans l'hémicycle à partir du 20 octobre.
Les députés de la commission des affaires sociales ont adopté, dans la nuit du mercredi au jeudi 13 octobre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l'année 2023. Les débats autour de ce texte, qui ne servira pas de véhicule à une réforme des retraites par amendement comme l'exécutif l'avait un temps envisagé, se sont déroulés sans heurts. Les députés se retrouveront à partir du jeudi 20 octobre pour l'examen dans l'hémicycle de l'Assemblée.
C'est une des mesures phares annoncées dès le mois de septembre par le ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun : les députés ont validé la mise en place de trois consultations médicales gratuites aux "âges clés de la vie". Si la mesure est adoptée en séance publique, un "rendez-vous prévention" remboursé intégralement par la Sécurité sociale sera proposé aux personnes de 20-25 ans, de 40-45 ans et de 60-65 ans. Lors des débats, plusieurs parlementaires ont toutefois interrogé la prochaine mise en œuvre de la mesure, dans un contexte où plusieurs territoires sont confrontés à des pénuries de médecins.
Le PLFSS rend également gratuit et accessible, sans ordonnance, le dépistage des infections sexuellement transmissibles pour les moins de 26 ans. Autre mesure : l'accès gratuit et sans ordonnance à la contraception d'urgence (ou pilule du lendemain) pour toutes les femmes en âge de procréer. Toujours dans une volonté de favoriser la prévention, les députés de la commission des affaires sociales ont voté en faveur de l'indexation des prix du tabac sur l'inflation.
Les élus de la commission des affaires sociales ont également voté en faveur d'une quatrième année d'internat pour les futurs médecins généralistes. Cette année supplémentaire sera composée de stages qui seront "proposés en priorité dans des zones où la démographie médicale est sous‑dense", c'est-à-dire dans des déserts médicaux. Une mesure critiquée par les syndicats d'internes, mais aussi par des les députés d'opposition. "En réalité il s'agit de disposer d'un volant de main d’œuvre qu'on pourrait répartir sur le territoire (...) je ne sais pas s'il y a une véritable plus-value pour la formation", a notamment regretté Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine).
Par ailleurs, le PLFSS encadre l'intérim des professionnels de santé : en début de parcours professionnel, ceux-ci ne pourront pas exercer en intérim avant une période déterminée. La durée sera fixée par décret.
Les députés ont adopté deux amendements identiques* de Josiane Corneloup et Isabelle Valentin (Les Républicains). Ceux-ci prévoient que "les actes de téléconsultation doivent être réalisés par le biais d’une maison de santé pluridisciplinaire, d’une officine ou d’une collectivité". Si cette disposition était définitivement adoptée, il serait donc impossible de réaliser une téléconsultation seul chez soi sur son smartphone, via la plateforme Doctolib par exemple.
Les deux députées LR estiment que les téléconsultations doivent être "réalisées et accompagnées par un professionnel de santé afin de permettre un meilleur encadrement de cette pratique pour éviter les abus et pour répondre aux attentes des patients". L'objectif est de "contrôler l'accès à la téléconsultation", a expliqué Josiane Corneloup, elle-même pharmacienne de profession. "On ne peut pas avoir de la médecine à deux vitesses", a quant à elle déclaré Isabelle Valentin, qui espère ainsi empêcher les "dérives" en encadrant mieux la pratique.
Par ailleurs, les députés ont adopté l'article 43 du texte, qui supprime l'indemnisation des arrêts de travail prescrits par téléconsultation lorsqu'ils ne sont pas délivrés par le médecin traitant ou par un médecin que le patient a déjà consulté au cours de l'année précédente.
Après les révélations du journaliste Victor Castanet, qui a décrit les dérives des Ehpad Orpea, la commission des affaires sociales a décidé de mieux encadrer les établissements accueillant des personnes âgées. Le PLFSS contient plusieurs mesures visant à davantage de transparence et une meilleure "régulation financière" des Ehpad. Les compétences en matière de contrôle des autorités administratives seront renforcées.
Les députés ont également doublé l'astreinte journalière applicable en cas de non-respect des injonctions formulées par une autorité de contrôle à l'encontre d'un établissement social et médico-social : celle-ci passera de 500 à 1000 euros par jour. "Il est apparu à l'ensemble des acteurs du secteur et des observateurs que les sanctions existantes souffraient quand même d'un faible effet dissuasif", a commenté Jérôme Guedj (Socialistes), l'auteur de l'amendement.
Autre mesure : les sanctions financières applicables à ces établissements (et donc aux Ehpad) en cas de non-respect des dispositions du code de l'action sociale et des familles passeront de 1% à 5% maximum de leur chiffre d'affaires. Les députés ont aussi adopté un amendement visant à protéger les petits épargnants qui ont investi dans l'achat de chambres d'Ehpad.
Côté chiffres, depuis le record abyssal du déficit de la Sécurité sociale en 2020, près de 39 milliards d'euros, en raison de l'épidémie de Covid, les pertes n'ont cessé de se réduire. Moins de 25 milliards en 2021, 17,8 milliards cette année et 6,8 milliards prévus en 2023. Soit 11 milliards de moins entre 2022 et 2023.
Malgré la forte diminution annoncée du déficit, le PLFSS prévoit une augmentation de +3,7 % de l’Ondam (objectif national de l’Assurance maladie), hors dépenses liées à la crise du Covid en 2023 et de +4,1 % de l’Ondam hospitalier.
*L'encadrement de la téléconsultation critiquée par le gouvernement
Le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot, a contesté jeudi l'encadrement de la téléconsultation voté en commission des affaires sociales. "En imposant la présence d'un professionnel de santé à côté du patient, les oppositions réunies veulent perpétuer les déserts médicaux et mettent en péril la santé des français", a-t-il écrit dans un message posté sur Twitter. "Les oppositions réunies ont brillamment mis fin au principe même de la téléconsultation médicale", a quant à lui raillé le député Renaissance Marc Ferracci. Eric Bothorel (Renaissance), a lui aussi critiqué le dispositif, moquant "l'amendement champion du PLFSS", qu'il accuse de mettre fin à toute possibilité de téléconsultation.
Lors de son examen en commission, la mesure, défendue par Josiane Corneloup et Isabelle Valentin (Les Républicains), avait pourtant été soutenue par des députés des groupes Socialistes, La France insoumise, Gauche démocrate et républicaine, ainsi que par deux membres de la majorité : Nicole Dubré-Chirat (Renaissance) et Philippe Vigier (Démocrate).
Interrogée par LCP, Josiane Corneloup assure que son amendement vise à "lutter contre les abus", affirmant qu'il est aujourd'hui possible de "téléconsulter dix fois dans la journée depuis son domicile si on en a envie". L'élue plaide pour un déploiement de la téléconsultation dans les 22.000 pharmacies françaises, mais aussi dans les maisons de santé pluridisciplinaires et dans des collectivités locales. "Le but est de faciliter l'accès au soin pour tous" et de "prévenir les dérives", réagit aussi Isabelle Valentin. La députée Les Républicains proposera un amendement en séance publique afin que les infirmières libérales puissent encadrer des téléconsultations pour les personnes âgées dans les Ehpad ou pour les personnes atteintes de pathologies graves maintenues à leur domicile.