Fin de vie : devant la commission spéciale de l'Assemblée, Catherine Vautrin défend "un projet de solidarité" et "l'équilibre" du texte

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Catherine Vautrin LCP 22/04/2024
La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, à l'Assemblée nationale, lundi 22 avril 2024 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mardi 23 avril 2024 à 01:57, mis à jour le Mardi 23 avril 2024 à 10:49

Catherine Vautrin a été la première personnalité auditionnée par la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur la fin de vie. Lundi 22 avril, devant les députés, la ministre de la Santé a souhaité que le débat parlementaire préserve l'équilibre du texte sur le fond et soit respectueux de tous sur la forme. Le projet de loi prévoit un meilleur accès aux soins palliatifs et la mise en place d'une aide à mourir strictement encadrée. Tout au long de la semaine, la commission spéciale mènera des auditions destinées à préparer l'examen du texte qui sera débattu à partir du 27 mai dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. 

Plusieurs fois annoncé, longtemps attendu, le projet de loi sur la fin de vie entame son parcours à l'Assemblée nationale. C'est le début d'un long processus législatif, prévu ainsi pour permettre, autant que possible, de rapprocher les points de vue. Lundi 22 avril, la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi "relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie" a commencé un cycle d'auditions préparatoires en entendant la ministre de la Santé, Catherine Vautrin.

Au moment d'entamer un cheminement qui devrait durer environ 18 mois avec plusieurs allers-retours entre l'Assemblée nationale et le Sénat, la ministre a fait part de son "humilité". Et alors que le sujet dont traite ce projet de loi relève à la fois du débat de société et de "l'intime", elle a appelé à des débats respectueux au Parlement. 

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Catherine Vautrin est longuement revenue sur les deux axes principaux du texte, estimant nécessaire l'esprit d'"équilibre" recherché par le gouvernement soit préservé. Comme l'a rappelé la ministre de la Santé, le premier axe du projet de loi consiste à renforcer fortement l'accès aux soins palliatifs. "Nous ne sommes pas au niveau", a-t-elle reconnu, soulignant que l'exécutif s'était engagé dans une stratégie décennale des "soins d'accompagnement". 

Un effort de 1,1 milliard d’euros prévu sur dix ans a été décidé par le gouvernement. Cet effort doit permettre le passage de 166 à 190 unités de soins palliatifs, l'ouverture de 18 unités pédiatriques, l'amélioration de la prise en charge à domicile avec l'objectif de passer de 70 000 à 120 000 personnes potentiellement aidées face à la douleur, ou encore la mise en place, à terme, de maisons d'accompagnements au sein de chaque département.

Pas d'opposition entre aide à mourir et soins palliatifs

C'est en parallèle de cette montée en puissance des soins palliatifs que le projet propose la mise en place d'une aide à mourir strictement encadrée. Cette possibilité ne sera ouverte qu'aux majeurs, de nationalité française, ou résidents depuis longtemps en France, atteints d'une "affection grave et incurable avec pronostic médical engagé", souffrants de "douleurs insupportables et réfractaires au traitement", et aptes à manifester leur volonté "de façon libre et éclairée". "C'est un projet de solidarité envers les plus vulnérables", a soutenu Catherine Vautrin, estimant la législation actuelle insuffisante.

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"Il n'y a pas d'opposition entre soins palliatifs et aide à mourir", a complété le rapporteur général du projet de loi, Olivier Falorni (Démocrate), jugeant "complémentaires" les deux piliers du texte. Historiquement engagé sur le sujet de la fin de vie, le député a commenté avec satisfaction la "grande traversée parlementaire" qu'entame le texte, espérant que celui-ci arrive à quai dans un temps qui ne soit pas "inconsidéré" alors que "beaucoup de Français attendent cette loi".

Des doutes et des interrogations

Les premiers questionnements soulevés par le texte ont émaillé les échanges entre les membres de la commission spéciale et la ministre. Des questionnements de nature très différente selon qu'il émanaient d'élus favorables à la philosophie du projet de loi ou d'élus plus réticents. Plusieurs députés, dont Philippe Juvin (Les Républicains), Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine) ou encore Sandrine Dogor-Such (Rassemblement national) se sont étonnés du vocabulaire retenu par l'exécutif, qui exclut toute mention d"'euthanasie" ou de "suicide assisté". "Si on regarde en droit comparé, tous les pays du monde n'utilisent pas la notion d'euthanasie, [ce terme] n'est pas un référentiel international", a répondu Catherine Vautrin.

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D'autres interrogations ont émergé, sur la manière de procéder à l'administration du produit létal, sur le recours à la clause des consciences des soignants, ou plus généralement sur l'esprit même du projet de loi. Thibault Bazin (Les Républicains) a ainsi posé la question d'un "droit opposable aux soins palliatifs". Mais les critiques les plus virulentes sont venues des rangs du Rassemblement national.

"Proposer un texte sur l'euthanasie en période électorale est évidemment une provocation, et une marque de mépris pour les Français", a estimé Julien Odoul (Rassemblement national), jugeant que l'ouverture des débats en période de campagne pour les élections européennes relevait de "l'instrumentalisation politicienne". "J'imagine mal que l'examen de ce texte soit terminé avant l'année 2025, donc nous ne parlons pas du tout en semaines, mais au minimum en mois", a rétorqué la ministre de la Santé, s'opposant aussi bien à la vision d'un travail "bâclé" évoqué par son interlocuteur, qu'à l'idée d'une instrumentalisation du calendrier alors que ce projet de loi était très attendu à l'Assemblée et, surtout, dans le pays.

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La commission spéciale sur la fin de vie a poursuivi dans la soirée le cycle d'auditions entamé avec Catherine Vautrin, en entendant Jean-François Delfraissy, le président du Comité consultatif national d’éthique, ainsi que les membres du CCNE Régis Aubry et Alain Claeys. Le nom de ce dernier est familier de tous ceux qui s'intéressent à cette thématique, puisque l'ancien député PS a donné son nom à la dernière grande loi sur la fin de vie, portée avec collègue, l'ancien député UMP puis LR Jean Leonetti. ce cycle d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi se poursuivra jusqu'à la semaine prochaine.