Les députés Andy Kerbrat (La France insoumise) et Christine Engrand (ex-Rassemblement national) seront exclus de l'Assemblée nationale pour quinze jours, à compter de ce mercredi 7 mai. Les deux élus sont ainsi sanctionnés pour avoir utilisé une partie de "leur avance de frais de mandat à des fins personnelles et sans aucun lien avec l’exercice du mandat". Cette sanction, la plus forte prévue par le règlement de l'institution, les privera, en outre, de la moitié de leur indemnité parlementaire pendant deux mois.
C'est la sanction la plus sévère prévue par le règlement de l'Assemblée nationale. Les députés du Bureau du Palais-Bourbon, la plus haute autorité collégiale de l'institution, ont décidé de prononcer une "censure avec exclusion temporaire" à l'encontre de deux députés qui ont indûment utilisé une partie de leur avance de frais de mandat, dont l'usage est encadré et contrôlé.
Il s'agit de Christine Engrand (ex-Rassemblement national), qui a été exclue du RN et qui siège parmi les non inscrits à l'Assemblée, et d'Andy Kerbrat (La France insoumise), qui est actuellement en arrêt maladie. Ces sanctions ont été adoptées à l'unanimité.
Un vote à main levée a été organisé ce mercredi 7 mai après-midi, à 15 heures, dans l'hémicycle du Palais-Bourbon, pour les valider.
Selon le règlement de l'Assemblée, la "censure avec exclusion temporaire" entraîne "la privation, pendant deux mois, de la moitié de l'indemnité parlementaire allouée au député". L'élu a également interdiction "de prendre part aux travaux de l'Assemblée et de reparaître dans le Palais de l'Assemblée jusqu'à l'expiration du quinzième jour de séance qui suit celui où la peine a été prononcée".
Dans un communiqué publié dans la foulée, la présidence de l'institution souligne que cette "sanction pour manquement au code de déontologie constitue une première". Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République) salue une décision qui "envoie un message fort et ferme de l'ensemble des groupes politiques quant au devoir d'exemplarité qui incombe aux députés", "Aucun écart n’est acceptable", peut-on également lire.
Le Bureau avait été saisi sur ces deux cas par le déontologue de l'Assemblée nationale au titre de l'article 80-4 du règlement. Dans son dernier rapport, Jean-Eric Gicquel – dont le mandat est récemment arrivé à son terme et auquel a succédé Rémi Schenberg – détaillait les "contrôles spéciaux" effectués auprès de ces députés (ils sont anonymisés dans le rapport) et déplorait qu'un "député dont le comportement répréhensible" puisse "effacer les manquements commis en procédant à des remboursements sur ses deniers personnels, sans faire l'objet de sanctions au titre du préjudice que ce comportement a pu causer à l'honorabilité de la Représentation nationale dans son ensemble". Ce n'est donc désormais plus le cas.
En novembre 2024, Mediapart avait publié une enquête révélant qu'Andy Kerbrat (LFI) avait pioché dans son compte d'avance de frais de mandat (AFM) pour financer sa consommation de stupéfiants. L'élu de Loire-Atlantique avait été contrôlé le 17 octobre par la police dans le métro parisien en train d'acheter de la 3-MMC, une drogue de synthèse en plein essor en France. Si ce dernier affirme n'avoir jamais financé sa consommation de drogue avec cet argent, ce qu'il a tenu à réaffirmer dans un tweet publié ce mercredi, le déontologue avait toutefois constaté un mésusage de ses frais de mandat.
"L’analyse des documents fournis le 14 décembre 2024 a permis de constater que le député en question avait, de sa propre initiative, remboursé, sur ses deniers personnels, près de 95 % des dépenses indûment imputées sur son AFM entre juin 2022 et novembre 2024", précise Jean-Eric Gicquel dans son rapport. Sur la part restante, le déontologue a demandé des informations complémentaires, et le député s'est engagé à procéder aux remboursements susceptibles d'être demandés.
Quant à Christine Engrand, en septembre 2024, elle avait aussi été épinglée par un article de Mediapart, qui révélait que l'élue du Pas-de-Calais avait notamment puisé dans son AFM pour régler la pension de ses deux chiens, un abonnement à un site de rencontres et des frais d'obsèques. Elle avait été suspendue pour une durée de six mois du groupe du "Rassemblement national" à l'Assemblée, avant d'être exclue du parti et du groupe en mars 2025. "Le 20 janvier 2025, [la députée] a accepté ce projet de conclusions – qui est donc devenu définitif – et procédé au remboursement demandé dans la foulée", peut-on lire dans le rapport du déontologue.