Proportionnelle aux législatives : François Bayrou consulte, les avis divergent sur le principe et sur les modalités

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François Bayrou
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mercredi 30 avril 2025 à 18:30, mis à jour le Mercredi 30 avril 2025 à 18:40

Favorables, comme le Premier ministre, François Bayrou, qui l'a répété ce jour au Sénat, au scrutin proportionnel pour les élections législatives, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont été reçus à Matignon, ce mercredi 30 avril, pour échanger sur le sujet. Demain, jeudi 1er mai, le chef du gouvernement poursuivra ses consultations en recevant Gabriel Attal. 

François Bayrou a entamé, ce mercredi 30 avril, une série de consultations politiques au sujet de la proportionnelle que l'actuel Premier ministre souhaite voir mise en œuvre, depuis de longues années, pour les élections législatives. "Il faut que chacun puisse trouver sa place au sein de la représentation nationale, à proportion des votes qu'il a reçus", déclarait-il en janvier lors de sa déclaration de politique générale. Premier reçu ce jour à Matignon : le Rassemblement national, qui est le groupe qui compte le plus grand nombre d'élus à l'Assemblée nationale.

Au sortir du rendez-vous, Marine Le Pen a listé trois critères importants à ses yeux et indiqué que "le scrutin de 1986, c'est-à-dire la proportionnelle intégrale par département, nous apparaît être un moindre mal par rapport à un système majoritaire qui aujourd'hui ne permet pas que chaque voix des Français soit entendue et respectée"Le scrutin proportionnel est un élément de réparation de la confiance des Français envers leurs représentants", a ajouté la présidente des députés du Rassemblement national, accompagnée du chef de file du parti, Jordan Bardella.

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"Si c'est sur celui-là que l'on retombe [le mode du scrutin de 1986, ndlr.], le RN le défendra", a assuré Marine Le Pen, qui espère que le débat "aura lieu avant la coupure de l'été" dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. Car "le périmètre départemental est un sujet essentiel" pour le Rassemblement national, qui insiste sur l'importance de "l'ancrage" territorial des députés.

L'instauration de la proportionnelle avec une prime majoritaire qui a la préférence du RN "pour permettre l'émergence d'une majorité à l'Assemblée nationale" ne semble donc pas être une condition sine qua non. "C'est le sujet sur lequel nous sommes en désaccord avec le Premier ministre", a simplement précisé Marine Le Pen, ce mercredi, insistant à ce stade sur le principe de la proportionnelle plus que sur ses modalités. 

Gabriel Attal veut aborder le sujet de manière plus large

Jeudi 1er mai, à 17 heures, c'est Gabriel Attal, le président du groupe "Ensemble pour la République", qui sera reçu par François Bayrou pour être à son tour consulté sur le sujet. Mardi 29 avril, salle des Quatre-Colonnes à l'Assemblée, Pierre Cazeneuve (EPR), qui a travaillé sur la question de la proportionnelle en interne, a fait un point sur la position des députés du parti présidentiel. Selon lui, la situation a évolué depuis qu'Emmanuel Macron s'était engagé sur cette réforme en 2017 et en 2022.

"Ça n'aura échappé à personne qu'en 2024, cette distorsion [entre le nombre de suffrages et le nombre de représentants dans l'hémicycle, pour le RN notamment, ndlr] n'existe plus. La composition de l'Assemblée est aujourd'hui extrêmement fidèle. On est quasiment déjà dans une situation de proportionnelleestime l'élu du parti présidentiel, qui accompagnera l'ex-Premier ministre et actuel chef de file de Renaissance à Matignon ce jeudi.

En comparant cinq modes de proportionnelle au modèle uninominal majoritaire à deux tours en vigueur actuellement pour les élections législatives, Pierre Cazeneuve explique, à l'aune de plusieurs critères, que "le moins pire de ces scrutins est le mode de scrutin actuel". Et ajoute que le dossier de la proportionnelle "n'est pas forcément une priorité" pour le groupe présidé par Gabriel Attal.

Mais puisque la consultation est ouverte, le groupe EPR souhaite que soit plutôt abordée la question de "l'efficacité de l'action publique". "Prendre le sujet de la réforme par le petit bout de la lorgnette du mode de scrutin, c'est un peu une erreur", considère Pierre Cazeneuve, qui estime nécessaire de débattre d'aspects de la procédure législative comme le nombre d'amendements, ou encore les navettes parlementaires "interminables", aboutissant selon lui à une Assemblée "sclérosée". Et d'évoquer aussi la réduction du nombre de parlementaires. Pas question, en revanche, de lier proportionnelle et retour au cumul des mandats, qui enverrait "une image délétère" de négociations aux Français.

"On est d'accord pour réinterroger, y compris le mode de scrutin, si ça se fait dans un contexte plus large de l'efficacité publique. Si le sujet est uniquement sur le mode de scrutin ou, pire encore, si c'est mode de scrutin en compensation du cumul des mandats, on saura expliquer qu'on pense que ce n'est pas une bonne idée", conclut Pierre Cazeneuve.

Ceux qui s'opposent à la proportionnelle...

Qu'en pensent les autres groupes parlementaires, qui seront eux aussi reçus prochainement à Matignon ? Parmi les opposants à la proportionnelle, figure le groupe "Droite républicaine", emmené par Laurent Wauquiez. "Je suis contre. (...) La proportionnelle aboutira à ce qu'on institutionnalise le chaos politique qu'on connaît en ce moment et qui deviendra la règle", a-t-il justifié il y a quelques jours sur BFMTV. "C'est le plus sûr moyen de ne pas donner à la France une majorité", a abondé le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, son rival dans la course à la présidence des Républicains, sur Europe 1.

"Pourquoi cet empressement, pourquoi vouloir de ce poison électoral dans une période où les tensions géopolitiques exacerbent les difficultés ?", a interrogé Mathieu Darnaud, président du groupe LR au Sénat, ce mercredi, lors de la question au gouvernement. L'occasion pour François Bayrou de réaffirmer sa conviction en faveur de la proportionnelle : "C'est le scrutin du pluralisme (...). C'est la garantie pour tous les grands courants politiques du pays, pour tous les citoyens, d'être représentés à mesure de leurs engagements et de leurs votes."

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A l'Assemblée, les députés du groupe "Libertés, indépendants, Outre-mer et Territoires" sont également "plutôt largement très défavorables" à une réforme du mode de scrutin, a indiqué leur président, Laurent Panifous, lors d'un point presse à l'Assemblée mardi. 

De son côté, le chef de file d'Horizons, Edouard Philippe, défend le statu quo, c'est-à-dire le scrutin majoritaire actuel, qui "impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire""S'il fallait aller vers la proportionnelle, alors je ne la soutiendrais que si était rétablie la possibilité de cumuler un mandat exécutif local et le mandat parlementaire", avait envisagé l'ex-Premier ministre dans un entretien accordé au Point en septembre dernier. Fondamentalement Edouard Philippe et ses troupes restent cependant clairement hostiles au changement de mode de scrutin. Cette semaine, au micro de LCP, le président du groupe "Horizons" à l'Assemblée, Paul Christophe a mis en garde contre une "métropolisation" du scrutin "au détriment des territoires ruraux".

... Et ceux qui sont favorables à la proportionnelle

Outre le Rassemblement national et le MoDem de François Bayrou, les députés écologistes et insoumis sont favorables à un mode de scrutin proportionnel. "On est pour une proportionnelle régionale", a expliqué ce mercredi à LCP la présidente du groupe "Ecologiste et social", Cyrielle Chatelain, tout en précisant que des discussions sont en cours en interne sur une éventuelle proportionnelle avec des listes départementales le modèle qui aurait les faveurs de François Bayrou.

"Nous sommes favorables à un scrutin réellement proportionnel, pas avec une prime majoritaire de 50% et pas avec un échelon territorial si petit que cela déforme à la fin la nature proportionnelle" a, pour sa part, développé le député et coordinateur national de La France insoumise, Manuel Bompard, sur Public Sénat. Quant au Parti socialiste, il est traversé par des divisions et des nuances sur le sujet. L'ancien président de la République, François Hollande, est favorable à la proportionnelle, tandis que le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, est contre à titre personnel. 

Le gouvernement souhaite pouvoir légiférer sur le mode de scrutin "avant la fin de la session parlementaire, si le débat est mûr", a affirmé sa porte-parole, Sophie Primas.