Retraites : à 2 jours des débats sur la suspension, Gabriel Attal prône une "véritable révolution"

Actualité
Image
Gabriel Attal - AFP
Gabriel Attal, à l'Assemblée nationale.
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Lundi 10 novembre 2025 à 15:10, mis à jour le Lundi 10 novembre 2025 à 15:56

Le député Gabriel Attal et le groupe Ensemble pour la République qu'il préside à l'Assemblée nationale vont déposer "dans les jours qui viennent" une proposition de loi visant à bâtir un nouveau système des retraites "universel, clair et compréhensible". Celui-ci intégrerait une part de capitalisation. Une manière de reprendre la main sur le débat, alors qu'un vote sur la suspension de la réforme des retraites aura lieu mercredi dans l'hémicycle.

C'est une perspective qui n'enchante guère les députés du groupe Ensemble pour la République (EPR), présidé par Gabriel Attal. Mercredi, ils devront se prononcer sur la suspension de la réforme des retraites de 2023 – que beaucoup d'élus ont dû, à l'époque, défendre âprement dans leur circonscription – conformément à la concession faite par le Premier ministre Sébastien Lecornu aux socialistes dans le cadre de l'examen du budget de la Sécurité sociale. "C'est là que je suis content de ne plus être député...", confiait récemment à LCP un ministre Renaissance, interrogé sur ce qu'aurait été son vote sur cette mesure s'il siégeait encore dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Preuve que ce compromis est difficile à accepter.

Pour enjamber l'obstacle, Gabriel Attal a choisi de se projeter. Le débat de mercredi "appartient au passé", a déclaré le patron EPR ce lundi lors d'un brief téléphonique avec la presse. "Ce sera simplement un épisode supplémentaire du débat sans fin qui est infligé aux Français sur la réforme des retraites depuis des décennies", a ajouté l'ancien Premier ministre, qui dénonce "des réformes de paramètres", sur l'âge légal et la durée de cotisation, qui ne sont que "des rustines sur un système qui prend l'eau". "Les réformes des retraites sont devenues une forme d'engrenage infini où l'on fait et on défait en permanence les réformes précédentes", a-t-il encore dénoncé.

Chacun sera libre de choisir le moment où il part à la retraite. Gabriel ATTAL

Alors, pour tenter d'ouvrir une nouvelle séquence et parce qu'il estime que "ça ne peut plus durer", Gabriel Attal prépare une autre proposition. Avec son groupe à l'Assemblée, il appelle à "changer de système complètement". En ligne de mire : un nouveau système "universel, clair et compréhensible". Concrètement, il s'agit de faire "progressivement converger les différents régimes" ; "un euro cotisé ouvrira les mêmes droits", a expliqué lundi le député EPR. L'âge légal de départ à la retraite seraint aussi supprimé : "Chacun sera libre de choisir le moment où il part. On ne fixe qu'une condition, un montant de pension minimal à atteindre pour pouvoir liquider sa retraite." Et afin d'inciter au travail, tous les Français "qui voudront continuer à travailler verront leur retraite bonifiée", a également affirmé Gabriel Attal.

Si elle venait à être votée, cette réforme s'appliquerait automatiquement à tous les nouveaux entrants sur le marché du travail. Les actifs pourraient eux faire le choix de rejoindre ou non ce nouveau système.

-> Lire aussi - Budget de la Sécu : les débats à l'Assemblée suspendus, ils reprendront mercredi sur la réforme des retraites

Une proposition de loi pour "ouvrir le débat dans la société"

Une proposition de loi sera déposée par le groupe EPR "dans les jours qui viennent". Selon Gabriel Attal, le texte "fixera le cadre de cette grande réforme", mais "pas tous les détails techniques" qui devront être arrêtés par les organisations syndicales et patronales.

Quel pourrait être le calendrier parlementaire ? "Nous déposons cette proposition de loi en étant lucides sur le fait que dans ce Parlement, il sera très difficile de faire adopter ce texte", a reconnu ce lundi l'ex-Premier ministre, renvoyant davantage à une discussion dans le cadre de l'élection présidentielle de 2027, dont le résultat viendrait "valider" une telle mesure. "Nous pourrions l'inscrire lors d'une journée réservée à notre groupe, mais l'objectif premier est d'ouvrir le débat dans la société pour faire progresser les choses" et de "gagner du temps" en vue de 2027, a complété Gabriel Attal. 

Chaque enfant recevrait [à sa naissance] 1 000 euros versés par l'état, placés sur un compte de capitalisation. Gabriel Attal

Par ailleurs, ce dernier a également annoncé ce lundi le dépôt d'un amendement au projet de loi de finances (PLF) – en cours d'examen à l'Assemblée nationale – pour créer "un fonds de capitalisation retraite pour financer la capitalisation des Français". Une manière "d'aider ceux qui ne payent pas ou peu d'impôts sur le revenu, mais veulent capitaliser", a précisé Gabriel Attal ce lundi lors du point presse. Et le président du groupe EPR d'expliquer que "chaque enfant recevrait [à sa naissance] 1 000 euros versés par l'État, placés sur un compte de capitalisation". Ce compte pourrait ensuite être abondé par la famille de l'enfant, en profitant d’un abattement fiscal. Coût de la mesure : 660 millions d'euros par an.

Vers une abstention sur la suspension de la réforme ?

Il n'empêche : mercredi, les députés EPR devront se prononcer sur la suspension de la réforme des retraites. "La messe est dite. (...) La suspension sera votée quel que soit notre vote", a répété Gabriel Attal ce lundi, estimant que l'addition des voix de gauche et du Rassemblement national suffiront à faire adopter la mesure. Sauf que La France insoumise a annoncé qu'elle se prononcera contre cette suspension de la réforme des retraites et que les élus écologistes et communistes pourraient, eux, s'abstenir. 

Une réunion du groupe EPR doit se tenir dans la soirée pour "arrêter une position de vote", qui pourrait être celle de l'abstention. "Une positon d'abstention du groupe permettrait de laisser ce compromis se faire et de défendre le nouveau système que nous avons bâti", a en effet indiqué l'ancien Premier ministre, qui doit encore faire valider ce positionnement par ses troupes. "Il n'y a pas un seul député qui remet en cause le choix fait en 2023 de voter la réforme Borne", a tenu à insister Gabriel Attal.

Avec encore plus de 380 amendements à examiner, les discussions sur le budget de la Sécurité sociale auront de toutes façons du mal à aller à leur terme mercredi soir, dernier jour d'examen selon les délais constitutionnels. Le cas échéant, il n'y aura pas de vote sur l'intégralité du texte à l'Assemblée nationale. Ce dernier partira alors au Sénat, avec "tous les amendements votés" à l'Assemblée nationale, a assuré la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin.