Retraites : François Bayrou réaffirme son opposition à un retour aux 62 ans lors des Questions au gouvernement à l'Assemblée

Actualité
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mardi 18 mars 2025 à 19:18, mis à jour le Mardi 18 mars 2025 à 19:37

Appelé à clarifier sa position devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre, François Bayrou, a réaffirmé, ce mardi 18 mars, qu'il n'était "pas possible", selon lui, d'abroger la mesure phare de la réforme de 2023, qui a fait passer l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Sur une éventuelle censure du gouvernement, le groupe Socialistes réserve sa "décision définitive" à la fin des travaux des négociations sur les retraites entre partenaires sociaux.

Malgré l'onde de choc provoquée par ses propos de dimanche, François Bayrou persiste et signe. Ce mardi 18 mars, le Premier ministre a été interpellé à trois reprises lors de la séance de Questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, où la gauche avait décidé de monter au créneau sur le sujet des retraites et du conclave actuellement en cours : par Clémentine Autain (Ecologiste et Social), par Joël Aviragnet (Socialistes) et par René Pilato (La France insoumise). Devant l'hémicycle, François Bayrou a choisi de répondre lui-même à la première question, laissant ensuite la ministre chargée du Travail et de l'Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, gérer les autres interventions.

Et le chef du gouvernement a répété ce qu'il avait déjà dit dimanche sur l'antenne de France Inter, excluant un retour à l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans (contre 64 ans aujourd'hui avec la réforme Borne adopté par 49.3). "J'ai répondu en conscience et je ne crois pas que qui que ce soit, qui travaille sur ce sujet, puisse prétendre qu'on peut en revenir à la retraite à 62 ans", a-t-il déclaré, affirmant être "persuadé" que les partenaires sociaux "en viendront à une conclusion de cet ordre". François Bayrou a toutefois également insisté sur la "légitimité" des partenaires sociaux à discuter d'un tel dossier.

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"Nous voulons faire confiance au dialogue social", a renchéri quelques minutes plus tard la ministre Astrid Panosyan-Bouvettout en évoquant le retour à l'équilibre en 2030 comme la "condition sine qua non" des discussions sur les retraites. 

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Le PS met François Bayrou "sous surveillance" 

Pas de quoi faire taire les critiques venues de la gauche, qui accuse le locataire de Matignon de préempter le résultat du conclave, et plus particulièrement du Parti socialiste, alors que la négociation lancée sur les retraites avait été l'un des points qui l'avait convaincu de ne pas censure le gouvernement en tout début d'année. "A la brutalité sociale de la réforme, la brutalité démocratique de son adoption, François Bayrou compte-il ajouter la brutalité de la trahison de la parole donnée… et écrite ?", avait réagi dès dimanche sur X le président du groupe Socialistes, Boris Vallaud. 

Lors de sa déclaration de politique générale, le 14 janvier, François Bayrou avait assuré que ces discussions se ferait "sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l'âge de la retraite". Ce qu'il avait de nouveau exprimé, par écrit, deux jours plus tard dans un courrier actant les concessions faites au PS.

La censure reste une option sur la table. Emmanuel Grégoire, porte-parole du groupe socialistes

Et maintenant ? "François Bayrou est sous la surveillance du PS et nous n'hésiterons pas à censurer s'il ne tient pas ses engagements", a mis en garde le député Emmanuel Grégoire lors du point presse hebdomadaire du groupe ce mardi matin. La censure "reste une option sur la table", a-t-il ajouté, affirmant attendre "l'issue des discussions" du conclave et "du processus qui s'ensuivra pour prendre la décision définitive". 

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Interrogé par LCP la semaine dernière, donc avant les propos de François Bayrou, un autre député PS, sceptique depuis le début, avait toutefois déjà sa petite idée sur la suite des événements, estimant que le sujet des retraites allait revenir dans l'hémicycle avec des mesures sur la pénibilité, l'égalité salariale, l'emploi des seniors et "on va nous dire qu'on ne peut pas censurer des avancées sociales". "C'est la politique des petits riens", commentait-il, amer, jugeant que "dès lors que le Parti socialiste n'a pas censuré [en début d'année], il aura beaucoup de mal à censurer à l'avenir". 

La CGT prendra une décision mercredi soir

Face à la presse, mardi matin, le député Benjamin Lucas (Ecologiste et Social) a aussi vivement critiqué les déclarations dominicales du Premier ministre, qui avait "échappé à la censure avec la promesse qu'il y aurait une discussion sur la réforme Borne" à l'Assemblée nationale. Si tel n'était pas le cas, l'élu Générations estime, à titre personnel, "qu'il faudra faire tomber le gouvernement".

"Tout le monde comprend que le conclave ne sert plus à rien, qu'il est une arnaque" avait, quant à elle, lancé Mathilde Panot un peu plus tôt. Et la présidente du groupe La France insoumise d'ajouter : "Les syndicats en tireront les conclusions qui s'imposent. La question de la censure se pose aussi en sachant [s'ils] quittent, ou non, le conclave."

Toujours aujourd'hui, la commission exécutive confédérale de la CGT, la direction élargie du syndicat, a d'ailleurs proposé à ses instances de "se retirer" des travaux en cours sur les retraites et de "construire de façon offensive la mobilisation", selon un courrier interne dévoilé par Le Monde et l'AFP. Les membres du Comité confédéral national (le "Parlement" de la CGT) ont jusqu'à mercredi, 18 heures pour se prononcer. A ce stade, le prochain rendez-vous du conclave entre syndicats de salariés et organisations patronales est prévu jeudi. D'ici là, la CFDT avait rendez-vous avec François Bayrou ce mardi à 19 heures. 

A l'Assemblée nationale, l'attitude du Rassemblement national sera également scrutée. "Dès le départ, on savait que ça n'aboutirait à rien", a réagi mardi le député Laurent Jacobelli. Interrogé par des journalistes sur une éventuelle censure, il a estimé que la question des retraites "fait partie d'un univers qui crée un sentiment qui pourrait devenir favorable à la censure", au même titre que l'immigration, la sécurité, le pouvoir d'achat. "Il n'y a rien qui avance. (...) On commence à toucher beaucoup de lignes rouges", a-t-il conclu.