Lors d'une table ronde organisée à l'Assemblée nationale, ce mardi 23 septembre, les syndicats agricoles français, ainsi que les députés qui se sont exprimés, ont manifesté leur opposition à l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur tel qu'il est prévu en l'état. Plusieurs organisations appellent à manifester dans les semaines qui viennent.
D'une voix concordante, les principales organisations syndicales agricoles ont dénoncé les conséquences que risque d'avoir l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur sur l'agriculture française, lors d'une table ronde organisée ce mardi 23 septembre par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Alors que Bruxelles a lancé le processus de ratification de l'accord avec le Marché commun d'Amérique du Sud, les représentants syndicaux ont martelé leur opposition au traité.
L'accord est "défavorable à l'agriculture", a jugé le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, insistant sur le manque de "réciprocité" actuellement prévu par l'accord. Illustrant la différence de normes exigées entre les deux zones commerciales, le secrétaire général des Jeunes agriculteurs, Quentin Le Guillous, a pointé la présence de "92 molécules interdites" au sein de l'Union européenne et 138 sur le territoire français dans la culture du maïs au Brésil et en Argentine.
"C'est un véritable agricide qui se prépare", a renchéri la présidente de la Coordination rurale, Véronique Le Floc'h, qui craint la faillite de "milliers d'exploitations françaises". "Ce traité condamne notre souveraineté alimentaire", a-t-elle affirmé. Dans un communiqué publié ce mardi, son organisation, troisième syndicat agricole, appelle à manifester le 14 octobre à Paris, "tracteurs en tête", afin de stopper la ratification de l'accord.
La FNSEA et les Jeunes agriculteurs, qui forment la première force syndicale du secteur, ont pour leur part appelé à des mobilisations "décentralisées" le 26 septembre. Une mobilisation en marche dispersée que déplore le secrétaire national du Modef, Nicolas Guitard, qui a appelé ce mardi à davantage d'entente entre les différentes organisations, "plutôt que chacun organise sa petite manifestation de son côté".
Porte-parole national de la Confédération paysanne, Stéphane Galais, a pour sa part notamment insisté sur l'insuffisance des "clauses miroirs" que la France souhaite intégrer dans l'accord pour protéger les agriculteurs. "Elles sont difficiles à contrôler. (...) Cela nous paraît largement insuffisant pour avoir une équité de commercialisation", a-t-il soutenu, jugeant l'accord "néfaste".
Les députés présents ont également critiqué l'accord avec le Mercosur, Pascal Lecamp (Les Démocrates) critiquant par exemple un "projet d'accord qui pose un problème économique, environnemental et démocratique". L'élu a mis en avant la "fragilisation des exploitations agricoles françaises", ainsi que "l'importation de produits bovins élevés aux antibiotiques interdits en France". Face à ce constat partagé, Hervé de Lépinau (Rassemblement national) a proposé un moratoire sur "tous les accords de libre-échange".
"Quand tous les partis français disent non à cet accord, quand quatre résolutions sont votées à l'Assemblée nationale qui disent leur hostilité à cet accord, quand une résolution est votée au Sénat dans la même direction (...) et que Mme Ursula von der Leyen et l'Union européenne passent dessus tout ça, il y a une grande victime, la démocratie dans notre pays", a estimé François Ruffin (Ecologiste et social). Et l'élu de poser une "question simple" aux syndicalistes : "Qu'attendez-vous de nous, députés français ?"
C'est Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, qui lui a répondu : "Ce qu'on attend des parlementaires français, c'est qu'ils se mobilisent, qu'ils montent la voix pour mettre la pression à la fois sur le futur gouvernement et sur le président de la République pour que la France défende ses intérêts." Une position partagée par ses homologues présents ce mardi à l'Assemblée nationale.
Au cours de la table ronde, Arnaud Le Gall (LFI) a évoqué un autre moyen d'action, au niveau du Parlement européen : la possibilité de censurer la Commission européenne, à commencer par Ursula Von Der Leyen, devenue "omnipotente". Les eurodéputés de gauche ont récemment recueilli le nombre de signatures nécessaires pour provoquer un vote en octobre. Une censure des commissaires européens serait "un coup de semonce", a estimé l'élu LFI.
A l'issue de la séance, la présidente de la commission des affaires économiques, Aurélie Trouvé (LFI), a souligné "une certaine convergence" de points de vue entre les syndicats agricoles et les différents groupes parlementaires. Et d'espérer que désormais chacun aura une "mobilisation suffisamment forte" pour infléchir la position de la Commission européenne. Les commissaires européens ont validé le texte de l'accord, première étape avant de le soumettre aux Etats membres et aux députés européens. Bruxelles a pour objectif de franchir ce stade avant la fin de l'année.
François Ruffin somme le gouvernement de saisir la Cour de justice européenne
Lors d'une conférence de presse organisée à l'issue de la table ronde, François Ruffin (Ecologiste et social) a présenté, aux côtés de députés allant de la gauche à la droite en passant par le bloc central, une proposition de résolution qu'il vient de déposer à l'Assemblée nationale, afin d'agir contre l'accord de libre-échange. Le texte, qui pourrait être examiné en octobre en commission, vise à "empêcher la ratification de l’accord entre l'Union européenne et le Mercosur en demandant à l’Etat français la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne pour cause d’incompatibilité de l’accord avec les traités européens".
Une incompatibilité dont François Ruffin estime qu'elle s'exerce sur les plans "démocratique, sanitaire et environnemental". Aux côtés de ses collègues Mélanie Thomin (Socialistes), Loïc Kervran (Horizons), Julien Brugerolles (Gauche démocrate et républicaine) ou encore Julien Dive (apparenté Droite Républicaine), le député a en particulier dénoncé l'attitude d'Ursula Von Der Leyen qui selon lui, "bafoue la démocratie".
Si une résolution de l'Assemblée n'a pas de valeur contraignante pour l'exécutif, François Ruffin indique avoir bon espoir que le texte, co-signé par une centaine de députés de différents bords politiques et soutenu par la FNSEA, puisse exercer une pression sur le gouvernement, qui a son tour, pèsera sur la Commission européeenne.