Bureau de l'Assemblée : la gauche veut un cordon sanitaire contre le RN, citant les exemples européen et allemand. Qu'en est-il ?

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Plongée au cœur du parlement européen
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mardi 30 septembre 2025 à 18:04, mis à jour le Mardi 30 septembre 2025 à 18:05

Pour marquer son opposition au retour du Rassemblement national au Bureau du Palais-Bourbon, la gauche met en avant les pratiques en vigueur au Parlement européen ou au Bundestag allemand. Quelles sont-elles ?

Le Rassemblement national va-t-il faire son retour au Bureau de l'Assemblée ? La question fait débat entre les groupes politiques du Palais-Bourbon. Et sera tranchée demain, mercredi 1er octobre, lors du scrutin destiné à pourvoir les six vice-présidences de l'institution. Les quatre groupes de gauche s'y opposent catégoriquement. 

"Nous considérons aujourd'hui, comme cela se fait au Bundestag en Allemagne, comme cela se fait au Parlement européen, que ce principe de digue républicaine doit prévaloir", a répété ce mardi 30 septembre le député Arthur Delaporte (Socialistes) lors du point presse hebdomadaire de son groupe. "Je rappelle qu'au Parlement européen, il est fait un cordon républicain pour empêcher l'extrême droite d'arriver à des postes à responsabilité, et donc de gagner de l'expérience", a également déclaré Mathilde Panot (La France insoumise). 

A chaque fois, les exemples du Parlement européen et du Bundestag allemand sont mis en avant. Concrètement, qu'en est-il dans ces deux institutions ? A Bruxelles, le Bureau est composé de vingt membres (la présidence, 14 vice-présidents et cinq questeurs). Et en effet, aucun membre des "Patriotes pour l'Europe" (PfE) la troisième force politique du Parlement européen à laquelle appartient le Rassemblement national de Jordan Bardella ou de "L'Europe des nations souveraines" (ESN), où siège Sarah Knafo (Reconquête), ne s'y trouvent. Contrairement, par contre, aux "Conservateurs et réformistes européens" (ECR), la, coalition de Marion Maréchal (Identité-Libertés) et de Giorgia Meloni, qui possède trois membres au Bureau. "On ne peut pas traiter ce groupe en bloc. (...) Il y a chez ECR des partis qui ne sont pas d'extrême droite, pensez à la N-VA", expliquait en juillet 2024 la vice-présidente du Parlement européen, Sophie Wilmès, à l'agence Belga

La mise en place de ce cordon sanitaire remonte aux années 1980, "lorsque le Parlement européen, qui se voyait comme le chantre de la démocratie dans le monde, découvre un peu effaré les discours racistes, antisémites et homophobes de certains députés d'extrême droite", rappelait Olivier Costa, chercheur au Cevipof de Sciences-Po, sur RFI, après les élections européennes de 2024. "A l'époque, il y a une volonté commune des forces politiques modérées de boycotter ces eurodéputés aux propos révisionnistes, antisémites, homophobes aussi, comme ceux qu’a pu tenir Jean-Marie Le Pen", précisait alors sur Public Sénat Thierry Chopin, conseiller spécial de l'Institut Jacques Delors.

En Allemagne, pas de poste au Bureau pour l'AfD

Outre-Rhin, "L'alternative pour l'Allemagne" (AfD), parti d'extrême droite devenu la deuxième force du Bundestag allemand   avec 20,8% des voix aux élections fédérales de février 2025 , n'a jamais non plus obtenu de poste au sein du Bureau de l'institution (la présidence et quatre vice-présidents). C'est une tradition en Allemagne : le mouvement est jugé trop radical pour être traité comme une formation politique comme les autres.

Lors de l'élection des vice-présidents, le candidat de l'AfD Gerold Otten avait obtenu 185 voix, un score insuffisant pour être élu. "Si nos adversaires politiques continuaient à essayer de nous priver de nos droits et de nos postes, ils se mettraient au-dessus du vote de plus de dix millions d'électeurs qui ont fait de nous le plus grand groupe d'opposition", avait pourtant menacé le directeur du groupe parlementaire, Bernd Baumann, auprès de l'AFP. Le camp conservateur CDU/CSU du futur Chancelier Friedrich Merz avait à l'époque affiché une position prudente. "Chaque candidat doit se soumettre à une élection démocratique" pour les postes parlementaires qu'il convoite, avait rappelé le député Patrick Schnieder. Friedrich Merz avait été accusé par la gauche de vouloir rompre le cordon sanitaire mis en place autour de l'AfD pour l'empêcher d'accéder au pouvoir lorsqu'il avait fait voter avec le soutien de ce parti, en janvier, des textes durcissant la politique migratoire. Mais le conservateur avait depuis répété exclure toute collaboration avec l'extrême droite.

Quelques semaines plus tard, l'AfD emmené par sa cheffe de file Alice Weidel s'était également vu écartée des présidences de commissions, malgré les six candidatures proposées. Selon le site Euractiv, le parti de gauche radicale "Die Linke", qui avait lui récolté moins de 9% des suffrages lors des élections fédérales de février, avait obtenu deux présidences de commissions. 

En début d'année, ce cordon sanitaire avait été vivement dénoncé par le vice-président américain J.D. Vance lors de la Conférence de Munich sur la sécurité. "Ce à quoi la démocratie allemande ne peut survivre, c'est de dire à des millions d'électeurs que leurs pensées et leurs préoccupations (...) ne méritent même pas d'être prises en considération", avait-il notamment lancé, à quelques jours des élections allemandes. En mai, l'AfD a été classée mouvement "extrémiste de droite" par le renseignement intérieur allemand.