Vers un retour du RN au Bureau de l'Assemblée nationale ?

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Assemblée nationale
par Anne-Charlotte DusseaulxStéphanie Depierre, Elsa Mondin-Gava, le Mardi 23 septembre 2025 à 19:00, mis à jour le Mardi 23 septembre 2025 à 19:05

Le 29 septembre, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, réunira les présidents des groupes politiques du Palais-Bourbon pour tenter de trouver un accord sur la composition du Bureau de l'institution, dont les postes vont être remis en jeu en cette rentrée. Faute de consensus, ce qui est le plus probable, des votes seront organisés les 1er et 2 octobre. La question qui fâche : le Rassemblement nationale sera-t-il, ou pas, représenté au sein de la plus haute autorité collégiale de l'Assemblée ? 

C'est un épisode politique que le "socle commun" ne veut pas revivre. A l'été 2024, dans la foulée des législatives anticipées provoquées par la dissolution, l'élection des membres du Bureau de l'Assemblée nationale avait donné lieu à des votes serrés et à plusieurs coups de théâtre. Au terme de discussions houleuses, le Nouveau Front populaire avait obtenu la majorité des postes au sein de la plus haute autorité collégiale de l'institution. Actuellement, 13 des 22 membres* du Bureau sortant sont issus des rangs de la gauche, tandis que le Rassemblement national n'y est pas représenté, ce qui est aussi le cas du MoDem et de l'UDR. 

Sauf que, comme le prévoit le règlement du Palais-Bourbon, les postes du Bureau (six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires) seront remis en jeu à l'ouverture de la session ordinaire du Parlement, c'est-à-dire mercredi 1er et jeudi 2 octobre. Sur les 22 postes de cette instance, seule la présidence de l'Assemblée nationale, actuellement occupée par Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République), est pourvue en début de législature et pour toute la durée de celle-ci. 

Après un premier round de discussions début juillet, les présidents des onze groupes parlementaires vont se retrouver lundi 29 septembre, à 15 heures, autour de la présidente de l'institution. L'objectif, comme stipulé dans l'article 10 du règlement de l'Assemblée ? Tenter "d'établir la répartition entre les groupes de l'ensemble des fonctions du Bureau et la liste de leurs candidats à ces fonctions". Le règlement précisant que la composition de l'instance doit se faire en "s'efforçant de reproduire (...) la configuration politique de l'Assemblée et de respecter la parité entre les femmes et les hommes".

Deux possibilités : soit les présidents des groupes politiques s'entendent sur un accord aux points et se répartissent les postes sur la base de leurs effectifs respectifs dans l'hémicycle ; soit ils constatent leurs désaccords – ce qui est le plus probable – et des scrutins sont organisés pour élire les membres du Bureau. 

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Le "socle commun" favorable au retour du RN

En amont de cette réunion, chaque camp s'organise. Mercredi 17 septembre, les présidents des groupes du "socle commun" (Ensemble pour la République, MoDem, Horizons et Droite républicaine) se sont mis d'accord pour "rouler ensemble", afin que les groupes qui composent la représentation nationale obtiennent un nombre de postes équivalent à leur poids politique au Palais-Bourbon, explique un participant à LCP.

C'est-à-dire y compris le Rassemblement national (qui était présent au sein du Bureau de 2022 à 2024, avec deux vice-présidences) et La France insoumise (qui dispose aujourd'hui de deux vice-présidences et de deux secrétaires). "On est favorable à la proposition de la présidente de l'Assemblée de respecter la juste représentativité des groupes par points", confirme un cadre du groupe EPR. En choisissant cette ligne, qui amènerait au retour du RN et à une nouvelle répartition au sein du Bureau, le groupe emmené par Gabriel Attal devrait perdre certains postes. Idem pour le groupe DR, de Laurent Wauquiez.

L'année dernière, lors de la constitution du Bureau sortant, Yaël Braun-Pivet jugeait déjà "sain que chaque groupe politique, quel qu'il soit, puisse être représenté". Mais à l'époque, le bloc central s'était divisé sur la présence du Rassemblement national et le groupe présidé par Marine Le Pen n'avait pas obtenu de poste. Qu'en sera-t-il un an plus tard ? Le "socle commun" est "à 80% d'accord" avec cette répartition proportionnelle, affirme une source parlementaire citée par l'AFP. 

"Tous les députés sont des députés de la Nation. Il n'y a aucune raison pour que certains aient des responsabilités au Bureau et que d'autres n'en aient pas", estime ce mardi Philippe Vigier (Les Démocrates), qui indique que son groupe "est sur cette ligne, très clairement". "Il y a une règle simple : dès lors que vous avez des députés, vous avez le droit d'être dans les instances de l'Assemblée, que vous soyez de droite, de gauche, du centre ou d'ailleurs", renchérit auprès de LCP son collègue Philippe Juvin (Droite républicaine). 

"Ils ont été élus, ils sont représentés assez fortement [à l'Assemblée], ils sont légitimes à obtenir un poste de vice-président au Bureau. C'était d'ailleurs le cas, entre 2022 et 2024, avant la dissolution", rappelle quant à elle Annie Vidal (Ensemble pour la République).

Tous ses collègues ne partagent cependant pas cette position. "C'est hors de question, je ne veux pas du RN au Bureau de l'Assemblée. Je n’ai pas voté pour eux en 2022 [au moment où deux vice-présidents RN avaient été élus], je ne change pas", affirmait dimanche 21 septembre, en marge du meeting de rentrée de Renaissance à Arras, le député Charles Sitzenstuhl (EPR). Et l'élu de poursuivre : "A force de leur faire des cadeaux, ça a été un outil formidable de dédiabolisation pour eux. Si on continue, on retombe dans le piège de la banalisation."

La gauche unanime pour dire non à un retour du RN

Le 29 septembre, la présidente de l'Assemblée nationale aimerait convaincre la gauche de valider un accord aux points. "Si ça se joue en trois tours, le socle commun peut rafler tous les postes", et n'en laisser ainsi aucun à la gauche, met en garde l'un des membres du bloc central. Une mise en garde qui ressemble cependant plus à une menace qu'à une véritable intention. Quant à parvenir à un accord, les chances sont minces, pour ne pas dire inexistantes. Yaël Braun-Pivet le sait. "Je n’ai pas d'accord aujourd’hui. Nous serons probablement obligés d'aller jusqu'à un vote dans l'hémicycle sur la composition de ce Bureau. Je souhaite que ce vote nous conduise à une représentation de tous, donc aussi du RN, du MoDem et de l'UDR", a-t-elle affirmé dimanche dans une interview au Parisien.

De leur côté, les représentants des quatre groupes de gauche (La France insoumise, Parti socialiste, Ecologiste et social, et Gauche démocrate et républicaine) se sont vus mardi 16 septembre pour discuter de la composition de l'instance. "On veut aller au vote, car un accord aux points, ce serait permettre le retour du Rassemblement national au Bureau", explique un cadre socialiste, qui précise qu'il y a "unanimité" à gauche pour s'opposer à cette éventualité. Mais, ajoute le même, "si l'ensemble du 'socle commun' vote pour l'extrême droite, alors la messe est dite"

On ne sera pas de ceux qui font rentrer le RN aux responsabilités. sTéphane PEU (président du groupe GDR)

Ce mardi 23 septembre, tous les groupes de gauche ont réaffirmé, lors de leurs conférences de presse hebdomadaires à l'Assemblée, leur opposition au retour du RN au sein du Bureau. "On ne sera pas de ceux qui font rentrer le RN aux responsabilités", a notamment déclaré le député communiste et président du groupe GDR, Stéphane Peu.

"Si certains macronistes sont tentés par l'idée de faire élire le RN, c'est leur responsabilité, mais ça ne sera jamais la nôtre", a abondé Arthur Delaporte (Socialistes)Membre du Bureau en tant que secrétaire, Sabrina Sebaihi (Ecologiste et social) estime qu'une telle décision de la part du bloc central, au profit du Rassemblement national, permettrait une "clarification dudit bloc central" : "Il ne faut pas qu'ils mentent à leurs électeurs, ils ont été élus sur le principe du front républicain." Un socialiste voit, quant à lui, un "paradoxe" entre un Premier ministre qui espère "une non-censure du PS" et l'idée, qu'en même temps, ses soutiens soit favorables à "un accord sur les postes à l'Assemblée avec le RN". "Ce qui se passe ici n'est pas étanche au contexte politique", insiste-t-il.

Qu'en pensent les principaux intéressés ? Le député Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) affirme ne se faire "aucune illusion" et dit "ne pas croire à un tel accord". Et d'ajouter : "Pour Marine Le Pen, ce n'est pas très important. Il n'est pas possible, en cette rentrée, de laisser penser au grand public qu'on se bat pour des postes !"

Les présidences des commissions aussi sont renouvelées

Outre la composition du Bureau, le renouvellement des présidences des huit commissions permanentes de l'Assemblée nationale (lois, finances, affaires étrangères, etc.) sera également scrutée de près la semaine prochaine. Le "socle commun" veut en effet s'organiser pour essayer d'en reprendre certaines à la gauche, alors qu'en 2024, des fractures internes avaient aidé le Parti socialiste et La France insoumise à décrocher celles des affaires culturelles et de l'éducation (Fatiha Keloua Hachi), ainsi que celle des affaires économiques (Aurélie Trouvé). Le président sortant de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI), espère, lui, être reconduit dans cette fonction ; ce poste revenant à un membre de l'opposition. 

Autre poste qui sera remis en jeu : celui de rapporteur général du budget, actuellement détenu par Charles de Courson (LIOT). Ce mardi, le groupe Libertés, indépendants, Outre-mer et terriroires a d'ores et déjà tenu à faire passer un message, alors que le Premier ministre, Sébastien Lecornu, chercher actuellement à élargir son assise politique : "Les conditions d'un accord inclues aussi la représentation légitime du groupe LIOT [au sein des instances de l'Assemblée], notamment de ceux de ses représentants les plus éminents comme le rapporteur général du budget."

La composition actuelle du Bureau de l'Assemblée

Les six vice-présidents : Clémence Guetté (LFI), Naïma Moutchou (Horizons), Nadège Abomangoli (LFI), Xavier Breton (DR), Roland Lescure (EPR) et Jérémie Iordanoff (Ecologiste).

Les trois questeurs : Christine Pirès-Beaune (PS), Brigitte Klinkert (EPR) et Michèle Tabarot (DR). 

Les douze secrétaires : Gabriel Amard (LFI), Farida Amrani (LFI), Inaki Echaniz (PS), Lise Magnier (Horizons), Christophe Naegelen (LIOT), Laurent Panifous (LIOT), Sophie Pantel (PS), Stéphane Peu (GDR), Sébastien Peytavie (Ecologiste), Mereana Reid Arbelot (GDR), Eva Sas (Ecologiste) et Sabrina Sebaihi (Ecologiste).