Le rapport de la commission d'enquête sur" les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires" a été dévoilé lors d'une conférence de presse, ce mercredi 2 juillet, à l'Assemblée nationale. A l'issue de quatre mois de travaux, les co-rapporteurs Violette Spillebout (Ensemble pour la République) et Paul Vannier (La France insoumise), ont élaboré 50 recommandations qui devraient, pour nombre d'entre elles, faire l'objet d'une proposition de loi.
"La paix pour les victimes". C'est ainsi que Violette Spillebout (Ensemble pour la République) a résumé l'enjeu de la commission d'enquête sur "les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires", dont elle est co-rapporteure. Une réponse à ceux qui ont accusé l'instance "de vouloir rouvrir la guerre scolaire", ou de nourrir l'objectif politique de nuire à François Bayrou.
Créée après les révélations sur les violences au sein de l'établissement d'enseignement catholique Notre-Dame de Bétharram, la commission d'enquête présidée par Fatiha Keloua Hachi (Socialistes) a présenté son rapport lors d'une conférence de presse, ce mercredi 2 juillet, à l'Assemblée nationale. "Ce travail de commission d'enquête transpartisan a changé ma vie, à titre personnel et à titre politique", a confié Violette Spillebout devant les journalistes. "Cette commission d'enquête m'a changé comme homme, comme député", a également indiqué le co-rapporteur Paul Vannier (La France insoumise). Tous deux ont fait part de témoignages de victimes qui les ont "bouleversés", et de leur sidération à la découverte de l'ampleur du phénomène des violences exercées sur les enfants en milieu scolaire.
"J'ai été enseignante trente ans dans l'Education nationale et je suis étonnée de voir, à l'issue des auditions, le poids de la chape de plomb". Ces propos sont ceux de Fatiha Keloua Hachi, qui a décrit un processus commun à la plupart des cas de violences exercées par des adultes sur des enfants en milieu scolaire. "On a un prédateur dans un établissement, et autour de ce prédateur, un système de silence ou de complaisance", a aussi expliqué la députée. Et de poursuivre : "Ce prédateur peut continuer à violer, à agresser pendant vingt, trente ans, sans qu'il ne se passe grand chose". Une culture du silence et de l'aveuglement auquel participeraient parfois, sans en avoir conscience, certains parents. "Les parents des victimes rentrent dans ce système de l'omerta", a ainsi constaté la présidente de la commission d'enquête, ces derniers ne détectant pas toujours certains "signaux" envoyés par les enfants.
Fatiha Keloua-Hachi a également évoqué le sujet des "mutations", symptômatique selon elle du "pas de vague dans l'Education nationale". Et pour cause, elle a indiqué que l'institution avait à de nombreuses reprises réagi à des cas de violences avérées en "déplaçant" certains encadrants d'un établissement à un autre. "Nous veillerons à ce qu'un enseignant qui a un casier judiciaire ne puisse plus enseigner", a affirmé la députée.
Parmi les recommandations du rapport figure notamment le fait que tous les établissements scolaires, publics comme privés, puissent avoir accès aux éventuels antécédents judiciaires des personnels recrutés. Paul Vannier a également évoqué l'importance du contrôle des personnels qui changeraient d'établissement ou d'académie, "en particulier dans les établissements privés, pour qu'il y ait le suivi, la trace d'une éventuelle sanction administrative pour des faits de violence sur des enfants".
Outre celles relevant du champ réglementaire, de nombreuses mesures préconisées par le rapport se traduiront par une proposition de loi transpartisane qui devrait être déposée au mois d'octobre, pour une adoption espérée avant la fin de l'année par les co-rapporteurs de la commission d'enquête.
Parmi ces mesures, dont beaucoup concernent les établissements privés sous contrat au sein desquels Paul Vannier (LFI) a pointé l'existence d'"un tabou particulier", figure notamment la levée systématique du secret de la confession en cas d'agression sur mineur. Autre priorité selon les rapporteurs : l'instauration d'une véritable "culture du signalement", via notamment une cellule dédiée qui, a expliqué Violette Spillebout (EPR), permettra "d'accueillir la parole des lanceurs d'alerte et d'en effectuer le suivi". La députée du parti présidentiel a également dit la nécessité de "travailler sur le sujet de la prescription" via "la création d'une mission transpartisane au sein de l'Assemblée nationale".
Paul Vannier a fait part de la quasi absence de contrôles au sein de l'enseignement privé sous contrat, citant le chiffre de "douze contrôles entre 2017 et 2023" dans l'ensemble des 7500 établissements qui existent en France et qui scolarisent 2 millions d'élèves. Il a donc préconisé de renforcer ces contrôles à raison d'"une fois tous les cinq ans" au minimum. Et dans le cas des internats, qu'ils soient publics ou privés, une fois "tous les 3 ans" pour le second degré et "chaque année" pour le premier degré. Les auditions de la commission d'enquête avaient en effet mis en lumière le fait que l'existence d'un internat au sein d'un établissement scolaire, en éloignant davantage les enfants du monde extérieur, accentuait les risques de mauvais traitements.
Outre le renforcement des contrôles, Paul Vannier a souligné que ceux-ci devaient être "suivis de conséquences". Il a ainsi plaidé pour "introduire une gamme de sanctions dans le Code de l'éducation (...) jusqu'à la fermeture administrative d'un établissement où se concentreraient des faits de violence". Et de marteler : "L'interdiction des châtiments corporels doit être inscrite au Code de l'Education".
Concernant Notre-Dame de Bétharram, l'établissement des Pyrénées-Atlantiques qui a tristement défrayé la chronique au vu de l'ampleur des violences qui s'y sont exercées, Paul Vannier a une nouvelle fois pointé "la responsabilité du ministre de l'Education nationale de l'époque", François Bayrou (qui a occupé cette fonction de 1993 à 1997), qui "savait dès 1995 pour les violences physiques, 1998 pour les violences sexuelles", et qui selon le député insoumis "avait alors tous les moyens d'agir, et n'a pas agi". Plus largement, l'élu a dénoncé un "Etat défaillant" face aux violences qui se sont produites pendant de nombreuses années.
Depuis 1995, François Bayrou était informé des violences physiques, depuis 1998 des violences sexuelles. Il était alors ministre, président du conseil général, il avait les moyens d'agir et il n'a rien fait. En conséquence de quoi des générations d'élèves ont vu leurs vies ravagées. Paul Vannier (La France insoumise), co-rapporteur de la commission d'enquête
Par ailleurs, Paul Vannier a estimé que l'actuel Premier ministre s'était rendu coupable de "parjure" lors de son audition devant la commission d'enquête le 14 mai dernier, en indiquant avoir "envisagé", le 11 février, de porter plainte pour diffamation pour un article de Mediapart qui n'était paru que le 12 mars, soit "un mois plus tard".
"Juridiquement, un mensonge devant notre commission d'enquête appelle des poursuites", a-t-il souligné. "J'ai donc saisi notre présidente, et désormais c'est la prérogative du Bureau de l'Assemblée nationale". Il y a quelques jours, la présidente de la commission d'enquête, Fatiha Keloua Hachi (Socialistes), a choisi de ne pas donner suite à la requête du rapporteur, estimant que les faits n'étaient pas suffisamment caractérisés. Elle a aussi redit ce mercredi que selon elle, le Premier ministre n'avait "pas clairement menti à ce moment-là, c'est-à-dire sous serment", tout en estimant qu'il n'avait "pas été clair", et qualifiant son audition de "pénible".
Saisine de la justice pour "parjure" par le Bureau de l'Assemblée nationale : la présidence oppose une fin de non-recevoir
Réagissant aux propos de Paul Vannier, la présidence de l'Assemblée nationale a indiqué par voie de communiqué mercredi soir que "la demande tendant à ce que des poursuites pour faux témoignage soient engagées à l’encontre de plusieurs personnes ayant été auditionnées dans le cadre des travaux de [la commission d'enquête], parmi lesquelles le Premier ministre, est sans objet".
Par ce communiqué, la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, souligne que "Monsieur Vannier a déjà saisi le 25 juin dernier la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, présidente de la commission d'enquête, Madame Fatiha Keloua Hachi, d’une demande de poursuites". Et que cette dernière a "rejeté cette demande, indiquant qu’il ne lui paraissait pas possible de requérir des poursuites".
"Le Bureau n’est pas une instance d’appel des décisions des présidents de commission d’enquête. Les demandes de poursuites exprimées par Monsieur Paul Vannier ayant d’ores et déjà été rejetées, il n’y a donc pas lieu de saisir le Bureau de l’Assemblée nationale", conclut le communiqué.