De divergences en crispations, le "socle commun" au bord de la rupture ?

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Gabriel Attal à l'Assemblée
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Samedi 28 juin 2025 à 11:40

Moins d'un an après sa naissance, lors de la nomination de Michel Barnier à Matignon, le "socle commun" - qui regroupe Renaissance, le Mouvement démocrate, Horizons et Les Républicains - n'en finit plus d'afficher ses divergences. Au-delà des différences qui ont toujours été assumées, plusieurs votes et déclarations ont récemment montré un accroissement des tensions, rendant la coexistence de plus en plus difficile. 

"Le socle commun a un peu de plomb dans l'aile si je puis dire." Sur le plateau de Légi'Stream mercredi, la députée Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République) ne cachait pas les difficultés rencontrées par la coalition formée l'été dernier - qui regroupe Renaissance, le Mouvement démocrate, Horizons et Les Républicains -, afin de permettre  à Michel Barnier, puis à François Bayrou, de gouverner. Et elle est loin d'être la seule. Son collègue Pieyre-Alexandre Anglade (EPR) fustigeaitla semaine précédente sur LCP, "un socle commun aujourd'hui [qui] est plutôt entre le Rassemblement national et Les Républicains avec un trait d'union qui s'appelle l'UDR", le parti d'Eric Ciotti. Il ajoutait : "Il y a plus de choses qui nous séparent avec les Républicains que plus de choses qui nous rassemblent." Si les critiques se faisaient, encore récemment, à bas bruit, voilà qu'elles s'étalent désormais au grand jour. 

Ainsi ces derniers jours, le président du groupe Ensemble pour la République à l'Assemblée nationale, Gabriel Attal, s'est-il indigné d'un "axe anti-écologie" formé par Les Républicains et le Rassemblement national au Palais-Bourbon, après le vote d'un moratoire sur l'éolien et le photovoltaïque lors de l'examen de la proposition de loi de programmation énergétique, qui a finalement été rejetée. Une diatribe qui a même été reprise dans un visuel diffusé sur les réseaux sociaux.

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Dans Le Monde, l'ancien Premier ministre et actuel chef de file de Renaissance a renchéri, quelques jours plus tard, affirmant ne pas "voir de projet de société commun aujourd'hui entre Les Républicains et nous". A ses yeux, "le socle commun, c'est surtout un point commun, vouloir la stabilité gouvernementale en France". 

Car c'est d'abord avec Les Républicains, désormais dirigés par Bruno Retailleau - le ministre de l'Intérieur - et emmenés par le président du groupe Droite Républicaine, Laurent Wauquiez, à l'Assemblée nationale, que la désunion s'illustre de la manière la plus criante.

La droite sénatoriale ulcérée par la réforme PLM

Dernier exemple en date : la réforme du mode de scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille. Malgré l'échec de la commission mixte paritaire, le gouvernement a décidé que le texte poursuivrait son cheminement parlementaire. "C'est une rupture de la solidarité de la majorité sénatoriale !", s'est insurgé sur Public Sénat Francis Szpiner (Les Républicains), pour qui le Premier ministre "renie sa parole". Le 19 février, ce dernier avait déclaré ne pas "imaginer qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'il y ait accord de l'Assemblée nationale et du Sénat". Or, le texte a été largement rejeté au Palais du Luxembourg et la droite sénatoriale s'y oppose avec force - contrairement à la droite à l'Assemblée nationale. 

"Il n'y aura plus, en ce qui concerne un certain nombre de sénateurs, de soutien aux textes des centristes lorsque nous estimerons qu'ils ne sont pas bons", a mis en garde Francis Szpiner.

Autre sujet de tensions, la proportionnelle, dossier cher à François Bayrou. Début juin, sur le perron de Matignon, le ministre de la place Beauvau et président des Républicains, Bruno Retailleau n'a pas exclu de quitter le gouvernement si cette réforme venait à être mise en œuvre. Et dimanche dernier, 245 parlementaires dudit "socle commun" ont affirmé leur opposition au texte dans une tribune publiée dans L'Opinion. Parmi eux : 49 députés et 121 sénateurs des Républicains, mais aussi 32 députés Horizons et 28 députés Ensemble pour la République. 

Quand on fait partie d'une coalition politique (...), c'est bien aussi de venir siéger. Prisca Thévenot, deputee epr

Le projet de loi de simplification de la vie économique n'a pas non plus fait exception quant aux divergences affichées. Déposé au Parlement alors que Gabriel Attal était encore à Matignon, mais agrémenté durant son examen à l'Assemblée nationale d'amendements LR et RN supprimant notamment les zones à faible émission (ZFE), le texte a été adopté, malgré la consigne passée par le groupe Ensemble pour la République - mais pas unanimement suivie - de voter contre ; les groupes Horizons et Les Démocrates votant, eux, pour.

Ce jeudi, la journée d'initiative parlementaire du groupe Union des droites pour la République a, en outre, provoqué de nouvelles crispations. "Il y avait trois députés Les Républicains qui sont venus dans l'hémicycle simplement sur le texte pour gracier Marine Le Pen. Le reste de la journée, il n'y avait personne", a déploré ce vendredi sur FranceInfo la députée Prisca Thévenot (EPR). Avant d'ajouter : "Quand on fait partie d'une coalition politique (...), c'est bien aussi de venir siéger."

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"Il est encore temps de se ressaisir", estime Marc Fesneau

Devant l'association des journalistes parlementaires, le président de l'UDR, Eric Ciotti, ex-LR qui s'est allié avec Marine Le Pen lors des législatives de 2024, ironisait mercredi : "J'ai vu le visuel des députés EPR sur X, ça vient du socle commun ! Bien sûr qu'il y a d'immenses convergences entre le RN et LR, c'est le constat que j'ai fait l'été dernier", commentait-il. Et d'affirmer : "Ce qui les relie, ce ne sont pas des idées, ce sont des postes, sept maroquins ministériels, et des places, au Bureau de l'Assemblée nationale." L'élu de Nice continue d'ailleurs d'appeler ses anciens amis à le rejoindre, notamment en vue des prochaines échéances électorales.

Pas question, répond le député Philippe Gosselin (Droite républicaine). "Il n'y pas d'ambiguïté, un programme est en cours d'élaboration [chez LR], un nouveau président [Bruno Retailleau] trace le chemin", rétorque celui qui "remarque qu'Eric Ciotti est resté bien seul de son côté" depuis son ralliement à Marine Le Pen. La dislocation du "socle commun" ? "Comme ce socle commun est d'accord sur un certain nombre de grands principes, il faut aussi admettre que quand on entre un peu plus dans les détails, de tel ou tel texte, de telle ou telle politique, ça puisse être un petit peu plus compliqué", nuance celui qui siège au Palais-Bourbon depuis 2007, insistant sur l'idée qu'il s'agit d'une forme de "majorité de gouvernement" qui n'est pas une "majorité présidentielle". En outre, Philippe Gosselin "constate que même dans le socle historique [la coalition présidentielle, dont ne fait pas partie LR], il y a parfois des dissensions". 

En effet. Le chef de file d'Horizons, Edouard Philippe, candidat déclaré à l'élection présidentielle de 2027, n'a-t-il pas dit "constater qu'il ne se passait rien" d'ici là ? "Quand cette coalition n'est même pas capable de s'entendre sur un contrat (...) elle se délite à chaque vote compliqué", a résumé l'ancien Premier ministre mardi sur France 5.

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Croisé salle des Quatre-Colonnes quelques jours plus tôt, un cadre du groupe Horizons interrogé sur la situation optait pour le second degré : "Tout le monde s'entend très bien." Avant d'égratigner la méthode Bayrou. "On le regarde patauger dans la soupe. Au début, on pouvait y croire, mais quand on voit que c'est érigé en système... On en a tous un peu marre", lançait-il, prenant l'exemple du budget 2026 : "On devait être associé, ils ont fait entre eux, de leur côté." Les économies à faire pour redresser les finances publiques, prochain sujet de crispation ? 

Sur Sud Radio vendredi matin, l'ex-ministre et président du groupe Les Démocrates à l'Assemblée nationale, Marc Fesneau a fait "un vœu", non pas de nouvelle année, mais "d'entrée en vacances" estivales : "Il y a 18 mois avant que ne s'ouvre la séquence présidentielle. Les Français ne nous pardonneraient pas qu'on soit déjà, par des petits calculs, à penser chacun dans nos boutiques. Il est encore temps de se ressaisir."

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