Trois responsables de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), dont le directeur général, Thomas Fatôme, ont été longuement auditionnés, mercredi 9 juillet, par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. L'occasion de revenir sur leur rapport "charges et produits" pour 2026, qui propose 60 mesures visant à "préserver notre système d'assurance maladie, cette exception solidaire française".
A quelques jours des annonces de François Bayrou sur le budget 2026 et avant l'examen, qui s'annonce ardu, des projets de loi de finances de l'Etat et de la Sécurité sociale à l'automne, le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), Thomas Fatôme, a été auditionné, mercredi 9 juillet, par les députés de la commission des affaires sociales. L'objet principal de la discussion : le rapport annuel sur les charges et produits pour 2026, intitulé "Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses", publié le 3 juillet. Et ses propositions, qui seront scrutées, alors que c'est justement sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) que l'ex-Premier ministre, Michel Barnier, avait été censuré le 4 décembre dernier.
"On est parti d'une ambition un peu forte", à savoir "comment on peut préserver notre système d'assurance maladie, cette exception solidaire française", a déclaré en préambule Thomas Fatôme, entouré de la directrice déléguée, Marguerite Cazeneuve, et du directeur adjoint, Grégoire de Lagasnerie. Malgré "la situation financière très difficile de l'Assurance maladie (...), nous considérons qu'il est possible de mobiliser [des] leviers pour sauvegarder la prise en charge des patients", a-t-il complété.
Thomas Fatôme a commencé par rappeler les chiffres du déficit (voir la vidéo en tête d'article) : il est de "16 milliards d'euros en 2025" et "sans aucune mesure nouvelle en recettes ou en dépenses, il s'aggraverait à hauteur de 25 milliards d'euros à l'horizon de 2030". Soit "une perspective de déficit" à 41 milliards en 2030.
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Dans son rapport, la Caisse nationale d'assurance maladie présente 60 propositions, réparties en trois blocs : la prévention, car "la seule manière d'empêcher que le système perde sa soutenabilité à long terme est que la population soit en bonne santé", a expliqué Marguerite Cazeneuve ; l'organisation du parcours de soins ; et "payer le juste soin au juste prix". D'autres mesures n'ont pas fait consensus au sein du conseil de la Cnam, mais sont quand même soumises au débat.
Parmi les propositions figurent, par exemple, la mise en place un dépistage généralisé de l'hypertension artérielle, la fin de prise en charge à 100% en cas de rémission de cancer, l'interdiction des dépassements d'honoraires pour les actes "en lien avec les dépistages organisés (mammographie, échographie et coloscopie...)", le fait de rendre les motifs d'arrêt de travail obligatoire et d'encadrer leurs prescriptions car certaines "ont des durées trop décalées par rapport au référentiel scientifique", ou encore la mise en place d'un bonus-malus pour la prévention de l'absentéisme.
Lors de l'audition, qui a duré environ 2h30, le sujet - "sensible", dixit Thomas Fatôme - des arrêts de travail a été abordé, alors qu'il y a "une accélération de la dynamique des arrêts de travail depuis 2019", a indiqué le directeur général, pour qui se pose la question d'une meilleure maîtrise de cette hausse. D'autant plus que "40% de [cette] augmentation ne s'explique pas par des facteurs économiques et démographiques".
Au cœur des discussions également : les médicaments. Le rapport recommande en effet de "ne plus permettre la prise en charge à 100% des prestations ou des produits de santé dont l'efficacité ne justifie pas un tel niveau de remboursement". Prenant la parole devant les députés de la commission, Grégoire de Lagasnerie a affirmé que la France est "entrée dans une phase d'explosion de la dépense de médicaments depuis 2020, avec un taux de croissance annuel moyen de 4,2% entre 2020 et 2024", contre 0,6% entre 2010 et 2019.
Plusieurs députés ont notamment pris la parole pour évoquer les cures thermales. "Je pense que là on a quand même vraiment à regarder de près pour faire des économies", a estimé Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République), qui a parlé d'une "dépense inouïe, pas forcément justifiée". "Le thermalisme médical ne représente qu'un coût réduit pour l'Assurance maladie", a au contraire plaidé Théo Bernhardt (Rassemblement national), insistant sur le "rôle reconnu sur certains territoires ruraux tant en termes d'emplois qu'en termes d'attractivité économique".
Un peu plus tôt, le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie avait déclaré que le rapport "ne proposait pas de dérembourser les cures thermales", mais de "s'interroger sur le maintien de cette prise en charge à 100%".
Pour lutter contre la dégradation des finances publiques en général et du système de santé en particulier, le rapport précise que si elles sont mises en œuvre les mesures avancées "pourraient se traduire par un niveau d'économies important de 3,9 milliards d'euros" dès 2026. La "traduction chiffrée de l'ensemble des propositions mises sur la table à l'horizon 2030" s'élevant à 19,5 milliards d'euros.
Mercredi, Thomas Fatôme a toutefois précisé que la Cnam n'avait pas souhaité se positionner sur la manière de résoudre le déficit actuel (16 milliards d'euros). "Si on tient nos dépenses et nos recettes au même rythme que le PIB, on stoppe la dégradation du déficit, il n'y a plus chaque année cinq milliards de déficit en plus, mais évidemment on ne résout pas le stock", a-t-il expliqué. Avant d'interroger, appelant le gouvernement, le Parlement et les partenaires sociaux à s'emparer de ce débat : "Est-ce qu'il faut faire un effort supplémentaire en dépenses ? (...) Est-ce qu'il faut aller au-delà en utilisant le levier des recettes ?"
En commission des affaires sociales, le député Jérôme Guedj (Socialistes) a interpellé ses collègues de tous bords sur la suite à donner au rapport de la Cnam et à sur la préparation du PLFSS 2026. "On ne peut pas avoir ce matériau là et attendre les bras ballants des arbitrages sur lesquels nous ne pourrons que peser à la marge", a-t-il considéré. Et de continuer : "Est-ce qu'on attend de voir quelle mesure a été retenue, ou sommes-nous en capacité d'être force de propositions, de produire des éléments de convergence ?" Réponse du président de la commission, Frédéric Valletoux (Horizons) : "Je ne sais pas si nous, collectivement, on peut imaginer, entre groupes, bâtir un PLFSS", mais "on peut peut-être travailler des sujets qui déjà lors du dernier PLFSS faisaient globalement consensus", d'ici octobre, a-t-il avancé, citant la prévention ou les taxes comportementales.