Projet de loi de "simplification" : pourquoi le texte risque d'être rejeté à l'Assemblée nationale ce mardi

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Image d'illustration de l'Assemblée nationale. LCP
Image d'illustration de l'Assemblée nationale. LCP
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mardi 17 juin 2025 à 08:40, mis à jour le Mardi 17 juin 2025 à 08:47

Les députés du parti présidentiel ont décidé de voter "contre" le projet de loi "de simplification de la vie économique", qui fera l'objet d'un vote solennel, ce mardi 17 juin après-midi, dans l'hémicycle. Si le texte venait à être rejeté, ce serait la version du Sénat qui serait ensuite discutée en commission mixte paritaire, sans les modifications apportées lors des débats à l'Assemblée nationale, parmi lesquelles la suppression des zones à faibles émissions (ZFE). 

Difficile de suivre... Le projet de loi "de simplification de la vie économique" risque d'être rejeté, ce mardi 17 juin, lors du vote solennel qui aura lieu après la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Non pas parce que les opposants au gouvernement seraient plus nombreux dans l'hémicycle au moment du scrutin, mais parce qu'une partie des soutiens du bloc présidentiel vont voter contre un texte pourtant initialement porté par les leurs, ajoutant ainsi leurs voix à une partie des groupe d'opposition. C'est en effet la décision prise par les députés du groupe "Ensemble pour la République" (EPR), présidé par Gabriel Attal, lors d'une réunion en visioconférence qui a duré une heure dimanche 15 juin. "Vu les doutes et les incertitudes [sur le texte], on s'est permis de faire ce format-là", explique une participante à LCP. 

La raison ? Au terme de l'examen du projet de loi - et des votes sur les amendements et les articles - au Palais-Bourbon, le projet de loi s'est éloigné de la copie originale présentée par Gabriel Attal il y a plus d'un an, lorsqu'il était encore à Matignon. "Je n'ai pas de problème avec le fond du texte, mais avec certains des amendements adoptés qui sont à rebours de l'esprit initial du texte", poursuit la députée EPR contactée. Le projet de loi, qui est examiné en procédure accélérée [une seule lecture dans chaque Chambre du Parlement], a été adopté en octobre 2024 par le Sénat. "Le saucissonnage du texte, les articles appelés en priorité, la lecture très difficile [à l'Assemblée]… ont fini de convaincre" le groupe de s'y opposer, ajoute-t-elle, tout en regrettant un "manque de portage politique" de la part du gouvernement.

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La suppression des ZFE ne passe pas

Au cœur de ce détricotage, la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), qui limitent ou interdisent l'accès à plusieurs grandes villes aux véhicules les plus polluants. Les Républicains et le Rassemblement national l'ont fait adopter à l'Assemblée nationale, avec les voix La France insoumise et même... quelques rares voix du bloc central (détail du scrutin à consulter ici), opposées à la façon dont ce dispositif est appliqué sur le territoire, excluant selon eux les ménages les plus modestes en même temps que leurs véhicules polluants. 

Par amendement, le gouvernement avait tenté, sans succès, d'obtenir le maintien du dispositif à Paris et à Lyon, villes qui présentent les seuils de pollution les plus importants. "L'amélioration de la qualité de l'air ne peut pas se faire au détriment des plus démunis", avait souligné le président de la commission spéciale composée pour préparer l'examen du texte, Ian Boucard (Droite républicaine), lors des débats fin mai. "La France insoumise a toujours été opposée aux ZFE. C'est une mesure très mal faite, qui crée des inégalités sociales", avait pour sa part affirmé Manon Meunier (La France insoumise).

"On a une responsabilité en tant que responsables politiques, sur la qualité de l'air, les maladies respiratoires, on ne peut pas faire fi de tout ça", avait alors regretté alors Stéphane Travert, rapporteur du texte apparenté au groupe "Ensemble pour la République", auprès de l'AFP.

Outre la suppression des ZFE, la dernière version du projet de loi entérine également un net recul du zéro artificialisation nette des sols (ZAN), autre marqueur du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, destiné à lutter contre la bétonisation des sols,

Il y a une semaine, le chef de l'Etat avait exhorté le gouvernement à "maintenir" le cap sur l'écologie, dans la presse régionale et sur France 2. "Je n’ai pas beaucoup de leçons d'écologie à recevoir du champ politique de la part de qui que ce soit", a déclaré le Président. "Le chahut autour de l’écologie, ce sont des gens qui disent : si vous ne faites pas tout, tout de suite, vous ne faites rien. Et d’autres qui disent : il ne faut plus rien faire, il ne faut pas emmerder les gens", ajoutait-il, refusant que le gouvernement ou le Parlement "ne cèdent aux facilités du moment". 

Un choix stratégique

Le projet de loi "sera probablement rejeté" ce mardi, affirme-t-on au sein du groupe EPR. La députée précitée fait les calculs à voix haute : "Le RN, UDR, Horizons et DR vont voter pour, le MoDem va peut-être s'abstenir s'il ne veut pas voter contre le Premier ministre. Nous et la gauche voteront contre." Elle anticipe toutefois un ou deux votes "pour" dans son camp et une dizaine d'abstentions. 

Ce vote "contre" des députés du parti présidentiel est aussi un choix stratégique. En cas de rejet, le texte poursuivrait son chemin législatif. Prochaine étape : la convocation d'une commission mixte paritaire (CMP). Or, si l'Assemblée rejette bel et bien le projet, la version qui sera discutée entre députés et sénateurs au sein de cette instance de conciliation entre les deux Chambres sera celle qui a été votée au Sénat, sans les modifications apportées lors des débats à l'Assemblée nationale. Une version dont les députés EPR se disent "plus proches". "C'est aussi pour ça qu'on va voter contre", reconnaît notre interlocutrice. 

Les ZFE reviendront-elles dans les débats en CMP ? Le gouvernement proposera-t-il de nouveau de rénover le dispositif en maintenant uniquement celles qui sont en place à Paris et à Lyon ? Pour l'heure, ces questions demeurent. Il faudra attendre la rentrée de septembre, quand devrait se tenir cette réunion entre députés et sénateurs, censée aboutir à un accord sur le projet de loi de "simplification". Accord qu'il faudra ensuite forcément soumettre au vote des sénateurs et des députés.