Le projet de loi constitutionnelle sur "la liberté de recourir à l'IVG" adopté en commission

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par Soizic BONVARLET, le Mercredi 17 janvier 2024 à 17:53

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté, mercredi 17 janvier, le projet de loi constitutionnelle relatif à "la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse". Le texte sera examiné dans l'hémicycle le 24 janvier, puis au Sénat en février, avant d'être soumis - si les conditions de son adoption sont réunies - à un Congrès qui serait convoqué début mars. 

C'est une nouvelle étape franchie pour l'inscription de l'IVG, en ce jour anniversaire de la loi Veil, promulguée il y a tout juste 49 ans. Les députés ont adopté en commission des lois le projet de loi constitutionnelle "relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse", augurant une issue favorable, la semaine prochaine, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale

Si le débat a eu lieu autour d'une centaine d'amendements, la formulation du gouvernement pour l'article unique du projet de loi, selon lequel "la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse", est restée inchangée.

Un texte de compromis

C'est néanmoins bien sur le plan sémantique que les principaux désaccords persistent. Auditionné mardi 16 janvier, le garde des Sceaux , Eric Dupond-Moretti, a assumé de présenter "un texte susceptible d'être adopté par les deux Assemblées" et "une voie médiane". C'est ainsi que le terme de "liberté" - privilégié par le Sénat à majorité de droite -, a été préféré à celui de "droit", qui figurait dans la proposition de loi votée le 24 novembre 2022 à l'Assemblée.

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En commission, Mathilde Panot (La France insoumise) a présenté un amendement de rétablissement de la rédaction du texte dont elle avait été la rapporteure en 2022, et selon laquelle : "Nul ne peut porter atteinte au droit à l'IVG et à la contraception", tout en indiquant que son groupe était prêt au "compromis".

Du côté du groupe Les Républicains c'est, dans la rédaction actuelle, l'expression de "liberté garantie" qui suscite quelques réticences, certains députés s'interrogeant sur les conséquences de ce qui deviendrait de fait un "droit opposable". Emilie Bonnivard (LR) a notamment pointé le cas d'une femme qui dépasserait le délai - fixé en France à 14 semaines - parce qu'elle aurait été retardée dans sa prise en charge en raison de difficultés à trouver un professionnel de santé pratiquant l'IVG, et qui pourrait invoquer que "sa liberté ne lui a pas été garantie par l'effectivité de l'accès" à l'avortement.

"Personne ne peut s'opposer à une liberté dès lors qu'elle est fondamentale", a pour sa part fait valoir Emmanuelle Ménard (non inscrite) qui a proposé un amendement identique à ceux portés par Philippe Gosselin (LR) et Xavier Breton (LR), afin d'inscrire dans la Constitution la liberté de conscience des personnels de santé, et de rendre ainsi inaliénable la clause leur permettant de refuser de pratiquer des IVG. Plus largement, certains membres du groupe Les Républicains, à l'instar de Patrick Hetzel, ont considéré que le texte créait une "asymétrie juridique" contre "l'équilibre" de la loi Veil, en faisant primer "la liberté de la femme" sur "la protection de la vie à naître".

Portée symbolique ou effectivité renforcée ?

La veille, lors de l'audition du ministre de la Justice, le rapporteur du texte à l'Assemblée, Guillaume Gouffier Valente (Renaissance), avait déclaré : "Ce texte, au fond, c'est rien, et tout à la fois (...) Il n'est rien car il ne vient pas bouleverser le droit existant, il n'y touche pas. Mais il est tout parce qu'il fait un bouclier non-régressif pour le futur". Eric Dupond-Moretti avait pour sa part revendiqué sa "portée symbolique", "extrêmement importante dans la période que nous traversons", se disant "toujours heureux, fier et ému, quand la France des Lumières peut éclairer le monde entier".

Ériger au niveau constitutionnel cette liberté fondamentale nous obligera, nous législateur, comme le gouvernement, à rendre effective [cette] liberté. Cécile Untermaier (Socialistes)

À ceux pour qui le texte serait "inutile", inapte à résoudre les problèmes d'accès à l'avortement liés notamment au phénomène de désertification médicale, Cécile Untermaier (Socialistes) a répondu qu'en inscrivant la liberté de recourir à l'IVG dans "l'écrin de protection des droits fondamentaux" que représente la Constitution, son effectivité s'en verrait renforcée.

Adopté en commission des lois, le texte doit désormais être voté dans l'hémicycle, puis en des termes identiques au Sénat, ce qui ouvrira la voie à la convocation des deux Chambres du Parlement en Congrès. Pour que la Constitution soit effectivement révisée, il faudra alors que les députés et les sénateurs approuvent la réforme par trois cinquième des suffrages exprimés. En fin d'année dernière, Emmanuel Macron avait annoncé que - si les conditions étaient réunies - le Congrès serait convoqué début mars. Le cas échéant, la France deviendrait le premier pays au monde (exception faite de l'ex-Yougoslavie de Tito, en 1974) à faire de l'IVG une liberté scellée par sa Loi fondamentale.