Les députés commencent, ce lundi 23 juin, l'examen du projet de loi de "programmation pour la refondation de Mayotte". Six mois après le passage du cyclone Chido ce texte, déjà adopté par le Sénat, contient des mesures dont l'ambition est de remédier aux difficultés structurelles de ce département français de l'océan Indien.
Six mois après le passage ravageur du cyclone Chido à Mayotte, les députés vont se pencher sur le projet de loi de "programmation pour la refondation de Mayotte", à partir de ce lundi 23 juin. Le texte a déjà été adopté par le Sénat en première lecture, en mai dernier. Il concrétise les engagements financiers de l’Etat en faveur des infrastructures prioritaires de Mayotte d'ici 2031, avec une enveloppe de près de 4 milliards d'euros.
Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte porte (...) l’ambition de donner les moyens aux Mahorais d’exercer leurs droits, vivre en paix et en sécurité à Mayotte. Rapport annexé au projet de loi
Contrairement à la loi d'urgence qui avait été votée en février, le projet de loi ne vise pas à répondre aux conséquences immédiates du phénomène météorologique, mais à corriger les problèmes structurels rencontrés par le département le plus pauvre de France. "Nous n'avons pas laissé tomber Mayotte", a déclaré le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, lors de l'examen du texte en commission, le 10 juin dernier. "L'impression générale renvoyée par le territoire est celle d'une stabilisation, voire sur certains plans d'une amélioration, mais je reste lucide", a ajouté l'ancien Premier ministre, qui a listé les principaux enjeux pour l'archipel : l'école, l'assainissement de l'eau, la gestion des déchets, la mobilité et l'immigration.
Le projet de loi, composé d'une quarantaine d'articles, comporte logiquement plusieurs volets destinés à répondre à ces enjeux. Le premier d'entre eux, le plus débattu également, vise à mieux lutter contre l'immigration irrégulière, en tenant davantage compte des spécificités de l'archipel et de sa proximité avec les Comores. L'obtention des titres de séjour "parents d'enfants français" et "liens personnels et familiaux" sera ainsi conditionnée à une entrée régulière sur le territoire et le délai d'obtention sera rallongé.
Par ailleurs, les conditions de délivrance des cartes de séjour pour motif familial et du regroupement familial seront durcies. En commission, les députés ont toutefois supprimé plusieurs mesures jugées trop répressives par les groupes de gauche. Parmi elles, la possibilité de retirer un titre de séjour à des parents de mineurs étrangers qui représentent une menace pour l'ordre public, ou encore la possibilité de déroger à l'interdiction de placement en rétention d'un mineur. Une mesure sécuritaire n'a pas davantage franchi l'étape de la commission : le régime de perquisition administrative pour chercher des armes. Ces différentes dispositions pourront toutefois être réintroduites en séance ou au cours de la navette parlementaire.
Les députés de la commission des lois ont, en revanche, validé sans modification une autre mesure liée à la sécurité : celle qui prévoit d'autoriser les officiers de police judiciaire à traverser les "bangas", des habitations situées dans les bidonvilles au sein desquels le gouvernement entend renforcer la lutte contre la délinquance et les activités illégales.
Afin de suivre la mise en œuvre des différents volets de la future loi et l'utilisation des 3,9 milliards d'euros promis par l'Etat, un comité de suivi sera constitué. Celui-ci sera composé de parlementaires, de représentants de l'Etat, de représentants locaux et de membres de la Cour des comptes.
Pour favoriser le développement de Mayotte, chaque commune sera considérée comme un quartier prioritaire de la ville (QPV) jusqu'à la fin de l'année 2029. En outre, le projet de loi prévoit la mise en place d'une zone franche (ZFAG) avec un taux d'abattement de 100 %, pendant cinq ans. Cette exonération concernera l'ensemble des secteurs économiques de l'archipel.
En parallèle, le texte prévoit d'aligner progressivement le salaire minimum (Smic) sur le niveau national, avec une première étape intermédiaire fixée à 87,5 % à partir du 1er janvier 2026. Pour ce faire, le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour les employeurs d’Outre-mer sera élargi au département de l'océan Indien. Les autres prestations sociales - RSA, prime d'activité, allocation adulte handicapé - doivent suivre la même convergence. En commission, les députés y ont ajouté l'aide médicale d'Etat (AME), une mesure que la députée de Mayotte Estelle Youssoufa (LIOT) avait défendue il y a quelques semaines. Pour renforcer l'attractivité du territoire, le texte prévoit par ailleurs divers avantages pour les fonctionnaires - priorité de mutation, bonification d'ancienneté, etc.
Le projet de loi consacre un article à la "lutte contre l'habitat informel", qui vise à faciliter les expulsions et les destructions. Le texte réduit le délai d'évacuation et de démolition à 15 jours minimum, contre un mois à l'heure actuelle, et facilite les démarches en cas de difficulté d'identification des propriétaires. Il permet également de déroger, jusqu'en décembre 2034, à l'obligation de proposer un relogement ou un hébergement d'urgence.
Le paquet législatif, qui comporte aussi un projet de loi organique relatif "au Département-Région de Mayotte", prévoit aussi des évolutions institutionnelles visant notamment à ajuster le fonctionnement de l'assemblée de Mayotte et du conseil cadial.
Enfin, de façon habituelle s'agissant d'une loi de programmation, le texte est accompagné d'un rapport annexé, à la portée normative limitée mais aux nombreux engagements : déploiement de la 5G et de la fibre optique sur l'ensemble du territoire, construction d'un nouvel aéroport - un projet attendu de longue date -, modernisation du centre hospitalier de Mamoudzou, développement de la médecine de ville, garantie de l'accès à l'eau potable et à l'électricité...
Les députés y ont ajouté diverses mesures, dont la nomination d'un préfet maritime rattaché à Mayotte, l'instauration du cadastre dans la partie du foncier agricole, le développement de la restauration scolaire dans les écoles primaires à l’horizon 2031, la création de centres de santé et de maisons de soins, la revalorisation des pensions de retraite, la convergence du Smic dès 2027, ou encore la création d'une base de la marine en eaux profondes.