Les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaires (CMP), ce lundi 30 juin, sont parvenus à un accord sur la proposition de loi visant à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur". Cet accord ouvre la voie à l'adoption définitive du texte, qui prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes.
Après près de six heures de débats à huis clos, ce lundi 30 juin, la commission mixte paritaire sur la proposition de loi destinée à "lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur" du métier agriculteurs est parvenue à un accord entre les deux Chambres du Parlement. Par 10 voix "pour" (venues des formations qui composent le socle gouvernemental et du Rassemblement national) et quatre "contre" (socialistes et insoumis). Sans surprise, puisqu'au vu du rapport de forces entre les sept députés et les sept sénateurs présents au sein de cette instance de conciliation, les partisans du texte étaient majoritaires. La CMP est donc dite "conclusive".
La proposition de loi des sénateurs Laurent Duplomb (Les Républicains) et Franck Menonville (Union centriste), examinée en procédure accélérée, pourrait donc achever son parcours parlementaire après un ultime vote dans chacune des deux Chambres sur cette rédaction de compromis, mercredi 2 juillet au Sénat, puis mardi 8 juillet à l'Assemblée nationale.
La mesure la plus sensible du texte (qui contient huit articles) est sans nul doute la réintroduction, certes à titre dérogatoire et sous conditions strictes, de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018. Le dispositif a bien été maintenu en CMP ce lundi, assorti de quelques aménagements, comme une "clause de revoyure" au bout de trois années de réintroduction, puis annuelle, pour vérifier que les critères d'autorisation sont toujours remplis. Selon des sources parlementaires, la mesure pourrait concerner jusqu'à 500 000 hectares sur le territoire, dans une fourchette haute.
Les députés ont aussi intégré quelques mesures, comme l'interdiction de la production, du stockage et de la distribution (notamment pour l'exportation) de produits phytosanitaires interdits à l'usage en France, mais à partir de 2026. Ou encore l'interdiction temporaire, à la main du gouvernement, de planter des végétaux qui attirent les pollinisateurs, après l'emploi de l'acétamipride.
"Pas de chèque en blanc, juste une dérogation avec un cadre strict", a assuré auprès de LCP le député et rapporteur Julien Dive (Les Républicains), qui estime avoir "défendu une version raisonnable du texte".
Autres mesures votées en commission mixte paritaire : le relèvement des seuils d'autorisation environnementale pour les élevages intensifs ou encore la facilitation du stockage de l'eau pour l'irrigation des cultures. En revanche, un dispositif sénatorial qui visait à augmenter l'influence du gouvernement dans le travail de l'agence sanitaire Anses sur les autorisations de pesticides a été retiré dans le cadre de ce compromis parlementaire. Elus de gauche comme scientifiques avaient dénoncé une atteinte à l'indépendance de l'Anses.
Dans un communiqué publié dans la foulée du vote, l'ancien ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, qui préside le groupe Les Démocrates à l'Assemblée et était membre de cette CMP, estime que la réunion "a permis de parvenir à un compromis équilibré", qui tient "à distance les postures, évite les fausses promesses et se concentre sur des solutions concrètes et responsables".
A l'inverse, La France insoumise, représentée au sein de la CMP par la députée et présidente de la commission des affaires économiques, Aurélie Trouvé, a dénoncé dans un communiqué une "version honteuse" du texte, qui conserve "toutes les dispositions les plus dangereuses". "Les avancées glanées - moratoire sur les méga bassines, zones tampon autour des captages d'eau - en commission à l'Assemblée ont été balayées et la police environnementale de l'OFB est mise sous tutelle", déplore le groupe présidé par Mathilde Panot, qui prépare "un recours au Conseil constitutionnel" en cas d'adoption définitive du texte.
"Le monde agricole est effectivement en crise, mais la crise est structurelle, et rien dans les orientations validées ce soir ne permet d'apporter des solutions" a, quant à lui, critiqué le député Benoit Biteau (Ecologiste et social) qui était membre suppléant de la CMP.
Sur la question de l'acétamipride, des divergences existent au sein même du gouvernement. "Son rétablissement ne peut se faire que sous de très strictes conditions pour des filières qui aujourd'hui sont en impasse de traitement, mais qui demain, je l'espère, trouveront une solution en biocontrôle ou en en traitement alternatif", a expliqué ce lundi 30 juin la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, lors d'un déplacement dans une ferme bio des Yvelines. "Il ne s'agit pas de rétablir des néonicotinoïdes partout, pour toutes les cultures", a-t-elle souligné.
Tandis que sa collègue de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a estimé ce même jour sur Sud Radio que la réintroduction de l'acétamipride n'était "pas une bonne décision". Et d'ajouter : "Cela fait plusieurs années que nous avons commencé à développer et à investir dans des alternatives. Je trouve contre-productif (...) de réautoriser cette molécule comme si elle était anodine, ce qui n'est pas le cas".