Richard Ferrand a passé ce mercredi 19 février son grand oral face aux députés membres de la commissions des lois de l'Assemblée nationale. Le candidat d'Emmanuel Macron à la présidence du Conseil constitutionnel a notamment été interrogé sur sa proximité avec le chef de l’État, son cabinet de conseil ou encore l'affaire des Mutuelles de Bretagne.
Son audition, face aux membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a duré deux heures. Ce mercredi 19 février, Richard Ferrand a tenté de démontrer qu'il serait bel et bien impartial à la tête du Conseil constitutionnel – si sa nomination venait à être validée. Et ce, alors même qu'il est le candidat, et un très proche, d'Emmanuel Macron. "J'ai beaucoup hésité à accepter la proposition du Président. Je n'ai rien demandé, je ne suis pas de ceux qui pensent que quoi que ce soit leur serait dû", a-t-il débuté, ajoutant qu'il "n'ignorait rien des doutes qui surgiraient" quant à sa candidature.
Dès son propos introductif, Richard Ferrand s'est donc efforcé de déminer les critiques qui se sont faites entendre ces derniers jours. Son manque d'expérience pour un tel poste ? "Je ne suis pas un professionnel du droit, c'est vrai, mais comme vous je suis un serviteur de la République", a-t-il déclaré, mettant notamment en avant ses "responsabilités" au sein de l'hémicycle comme député et ancien président de l'Assemblée nationale, "une expérience précieuse pour le Conseil".
Cela suppose évidemment de se dépouiller de ses habits militants, j'y suis prêt. Richard Ferrand
Sa proximité avec Emmanuel Macron ? Affirmant être un "républicain avant tout" et reconnaissant que "l'indépendance et l'impartialité ne se démontrent pas a priori", le candidat a insisté, se disant "prêt" à "se dépouiller de ses habits militants" : "J'ai toujours été et je reste un homme libre, l'indépendance d'esprit est ma nature." Ou encore, quelques minutes plus tard, que cela "suppose d'oublier ses engagements passés."
Richard Ferrand a ensuite répondu aux questions des députés de la commission des lois. A ce titre, il est revenu, coupure de presse en mains, sur sa déclaration passée relative au troisième mandat présidentiel. En juin 2023, dans une interview au Figaro, l'ex-député indiquait qu'à "titre personnel", il "regrett[ait] tout ce qui bride la libre expression de la souveraineté populaire", déplorant la "limitation du mandat présidentiel" qui "corsète notre vie publique". Ce mercredi 19 février, le candidat à la présidence du Conseil constitutionnel a voulu "tordre le cou à ce qui n'a jamais été [sa] pensée ni [son] désir".
Interrogé sur le fait que les anciens présidents de la République soient membres de droit du Conseil constitutionnel, une fois leur mandat terminé (Nicolas Sarkozy et François Hollande ont fait le choix de ne pas y siéger), Richard Ferrand a estimé que cela "n'est pas indispensable" et renvoyé aux parlementaires la possibilité de changer les règles de nomination.
Lors de sa prise de parole, le député de la Droite Républicaine, Olivier Marleix, a, lui, mis sur la table la situation de la société de conseil de Richard Ferrand, Messidor, qui "malgré 800 000 euros de chiffres d'affaires en 2023" n'a "pas déclaré la moindre activité à la HATVP". Un peu plus tard, c'est sa collègue Emilie Bonnivard (DR) qui est revenue sur le sujet, demandant à l'intéressé de publier la liste de ses anciens clients pour éviter tout conflit d'intérêt avec ses éventuelles futures fonctions. "La HATVP a tout vérifié et m'a donné quitus que j'étais parfaitement en règle avec mes obligations légales", a répondu Richard Ferrand.
Ce dernier a également indiqué qu'un "administrateur judiciaire [a] la main sur [s]on entreprise". Sa "mission" : "la dissoudre" s'il devait être nommé au Conseil constitutionnel.
A plusieurs reprises, Richard Ferrand a, en outre, été interpellé sur l'affaire des Mutuelles de Bretagne, dans laquelle il a été mis en examen pour "prise illégale d'intérêts" en 2019, et qui a fait l'objet d'une décision de prescription. Mais aussi sur la présence au Conseil constitutionnel de Véronique Malbec, nommée en 2022, qui était procureure générale près la cour d'appel de Rennes lorsque le procureur de Brest (Finistère) avait classé sans suite le dossier, le 13 octobre 2017,
"Trois décisions ont été prononcées pour indiquer que les faits litigieux n'avaient [pas] de qualification pénale et donc ne devaient pas être poursuivis", a-t-il souligné.
Richard Ferrand a également défendu Véronique Malbec, évoquant des mots "profondément blessants" à l'encontre de la magistrate et critiquant une "atteinte à l'honneur" de celle "qui a été la première femme secrétaire générale du ministère de la Justice" et "procureure générale de la cour d'appel de Versailles".
Lors de leurs prises de paroles, les députés ont pour la plupart rappelé quelle serait la position de leur groupe lors du scrutin - à bulletin secret - suivant l'audition. Les oppositions de gauche, ainsi que la Droite républicaine, ont voté contre la nomination de Richard Ferrand.
Le Rassemblement national a précisé attendre la fin de l'audition pour "acter son vote". "Nous avons choisi de nous focaliser pas tant sur votre passé, mais sur votre audition", a ainsi déclaré Philippe Schreck (RN). Les députés du groupe présidé par Marine Le Pen ont finalement décidé de s'abstenir : "Il s'est engagé en expliquant qu'il ne devait pas y avoir de gouvernement des juges", a justifié Bryan Masson, s'exprimant à la sortie de la commission des lois.
Dans la foulée de son audition à l'Assemblée nationale, Richard Ferrand est auditionné par la commission des lois du Sénat. Le dépouillement du vote organisé au sein des deux commissions aura lieu en même temps. Si l'addition des votes négatifs est inférieur à trois cinquième des suffrages exprimés, sa nomination à la tête du Conseil constitutionnel sera validée par le Parlement. Dans la cas contraire, elle sera rejetée.