Budget, énergie, Nouvelle-Calédonie… : les dossiers brûlants dont hérite Sébastien Lecornu

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Sébastien Lecornu
Sébastien Lecornu
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Jeudi 11 septembre 2025 à 12:03

A peine nommé Premier ministre, Sébastien Lecornu se retrouve confronté à la charge plus que délicate de construire un budget 2026 qui puisse être adopté par l'Assemblée nationale. Mais en arrivant à Matignon, il a aussi trouvé plusieurs autres dossiers sensibles sur son bureau. 

Membre du gouvernement sortant, Sébastien Lecornu en a forcément entendu parler ces derniers mois. Mais désormais, il sera en première ligne. Sur son bureau à Matignon, le nouveau Premier ministre récupère plusieurs dossiers chauds. Lesquels ? LCP fait le point. 

Le budget, avant tout

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 devrait accaparer l'essentiel du temps de Sébastien Lecornu ces prochaines semaines. S'y ajoute bien sûr, comme tous les ans, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui est l'autre texte majeur de l'automne budgétaire. D'abord, parce que le gouvernement qui doit encore être constitué doit tenir des délais précis pour que le budget soit promulgué au plus tard le 31 décembre. Ensuite, parce qu'au vu de la fracturation politique existante à l'Assemblée nationale, le chemin s'annonce sinueux, voire impraticable. Ses prédécesseurs en ont d'ailleurs fait les frais : en décembre 2024, Michel Barnier était censuré sur le PLFSS 2025 ; et cette semaine, c'est François Bayrou, dont la trajectoire budgétaire (43,8 milliards d'euros de réduction du déficit public) n'a pas été soutenue par les députés, qui a dû remettre sa démission

Le défi pour Sébastien Lecornu ? Doter la France d'un budget 2026 qui évite la censure des oppositions et contribue au redressement des finances publiques du pays, alors que le déficit est attendu à 5,4% du produit intérieur brut (PIB) en 2025.

-> Lire aussi - Budget 2026 : pourquoi le calendrier s'annonce déjà serré pour le prochain gouvernement

La programmation pluriannuelle de l'énergie

Indispensable au secteur, la troisième Programmation pluriannuelle énergétique (PPE), qui acte la feuille de route énergétique de la France sur la période 2025-2035, est toujours en attente de publication. Elle vise à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone en 2050, grâce à une plus grande disponibilité du parc nucléaire français et à la construction de nouveaux réacteurs de type EPR 2, alors même que la précédente PPE prévoyait, elle, la fermeture de 12 réacteurs.

Si le gouvernement sortant s'était initialement engagé à publier le décret mettant en œuvre cette PPE "avant la fin de l'été", François Bayrou avait, au mois de juillet, acté un nouveau report pour que, justifiait-il, "soient conduites la concertation et les consultations nécessaires". Le ministre démissionnaire de l'Energie, Marc Ferracci, "s'attachera à faire en sorte que ce dossier soit en haut de la pile", a fait savoir son entourage à l'AFP, alors que le texte a déjà deux ans de retard.

Mais, parallèlement, la proposition de loi dite Gremillet, sur une relance massive du nucléaire et censée aider l'exécutif à finaliser son décret, est toujours en cours d'examen au Parlement. Adopté par le Sénat, mais rejeté par l'Assemblée, le texte devait poursuivre son cheminement législatif lors de la session à venir. Sur ce dossier, le Rassemblement national avait fait peser une menace de censure. "Si on voit que François Bayrou veut publier la PPE3 par décret, en contournant la représentation nationale, ce sera un casus belli", avait prévenu en juin le député RN Jean-Philippe Tanguy. Reste maintenant à savoir quelle sera la stratégie et le calendrier du prochain gouvernement. 

La question agricole et le débat sur la loi Duplomb

Cet été, le succès de la pétition contre la loi Duplomb a ouvert la voie à un débat dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Le 17 septembre, la commission des affaires économiques décidera, soit de classer la pétition, soit de l'examiner. Il revient à la Conférence des présidents de programmer le débat, sans vote, dans l'hémicycle. Avec le futur ministre concerné ? "Le gouvernement a la parole quand il la demande", précise l'article 151 du règlement du Palais-Bourbon, qui précise les modalités d'un tel débat. 

Début août, le Conseil constitutionnel a censuré l'une des principales mesures de la loi Duplomb, à savoir la réintroduction à titre dérogatoire de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Mais la FNSEA, premier syndicat agricole, réclame un nouveau projet de loi, avec un article unique, rétablissant la mesure en ciblant plus précisément les filières concernées et en respectant l'avis des Sages. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a d'ores et déjà annoncé une mobilisation "plutôt à la fin de l'automne" sur des sujets liés aux "moyens de production" : l'eau, les engrais, les pesticides, la simplification administrative… 

Le nouveau gouvernement aura aussi à gérer à Bruxelles la réforme de la politique agricole européenne (PAC), dont les premiers contours proposés par la Commission ont suscité l'ire des intéressés.

La Nouvelle-Calédonie et l'accord de Bougival

Autre dossier sur la table : l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Un accord inédit entre indépendantistes (le texte a depuis été rejeté par le FLNKS), non-indépendantistes et le gouvernement a été signé en juillet à Bougival, dans les Yvelines, sous l'égide du ministre des Outre-mer sortant, Manuel Valls. Il prévoit la création d'un "Etat de Nouvelle-Calédonie" et la possibilité de transfert de certaines compétences régaliennes. Mais l’avenir du texte publié au Journal officiel reste incertain, tant son adoption suppose de franchir un parcours législatif serré.

D'autant que le profil de Sébastien Lecornu ajoute peut-être une difficulté supplémentaire. Ancien ministre des Outre-mer (2020-2022), il reste associé au troisième référendum d'autodétermination organisé en décembre 2021, malgré l'opposition des indépendantistes du FLNKS, qui l'avaient boycotté. Sa nomination à Matignon "n'augure rien de positif", a déjà réagi le mouvement, tout en réaffirmant "rester ouvert au dialogue".

Et aussi…

Outre ces dossiers majeurs, de nombreux textes de loi attendent toujours leur examen au Parlement, ou sont en cours de navette entre les deux Chambres. Comme ceux qui concernent l'organisation des JO d'hiver e, 2030, le statut de l'élu local, la cybersécurité, ou encore la simplification de la vie économiqueLCP en avait fait la liste ici avant la chute du gouvernement de François Bayrou. Épineuses, la réforme constitutionnelle sur la Corse et la réforme de l'audiovisuel publiccelle-ci ayant déjà connu un parcours compliqué à l'Assemblée nationale, seront particulièrement scrutées. Rachida Dati sera-t-elle toujours ministre de la Culture au sein du prochain gouvernement pour défendre ce dernier texte ?