Retraites : un enjeu capital de la rentrée parlementaire

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François Bayrou, le 25 avril 2025.
François Bayrou, le 25 avril 2025. LCP
par Maxence Kagni, le Mardi 22 juillet 2025 à 16:41

La question des retraites, désormais centrale dans la vie politique, reviendra une nouvelle fois sur le devant de la scène à la rentrée, dans le cadre du budget de la sécurité sociale. François Bayrou devra trouver un moyen de contenter les socialistes mais aussi le Rassemblement national, sous peine de voir son gouvernement censuré.

C'est une série parlementaire à rebondissements qui tient en haleine les observateurs politiques depuis plusieurs saisons : la saga des retraites, entamée par le gouvernement Borne en 2023, a connu ces derniers mois de nouveaux épisodes qui laissent deviner les futures batailles de l'automne, lors de l'examen du budget de la sécurité sociale. 

Le gouvernement de François Bayrou, s'il veut échapper à la censure, devra tenter de trouver un compromis sur cette question avec les députés socialistes sans toutefois mécontenter les membres de son "socle". Retour sur une bataille politique qui dure depuis plus de deux ans. 

L'adoption de la réforme, en 2023

La réforme des retraites, défendue à l'Assemblée nationale par le ministre du Travail de l'époque, Olivier Dussopt, reporte progressivement l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Elle prévoit aussi un allongement de la durée de cotisation de 42 ans à 43 ans d'ici à 2035.

Le texte mobilise contre lui les syndicats et est combattu dans l'hémicycle par les députés de gauche, du Rassemblement national, de Liot et par quelques élus de droite. Après une guérilla parlementaire parfois violente, la Première ministre Elisabeth Borne recourt, le 16 mars 2023, à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le texte. Deux motions de censure, respectivement déposées par le Rassemblement national et le groupe Liot échouent. Le 14 avril 2023, le conseil constitutionnel valide l'essentiel de la réforme.

Les tentatives ratées d'abrogation 

Plusieurs groupes tentent dans les mois qui suivent d'abroger la réforme. La première tentative, initiée par le groupe Liot, échoue en juin 2023 après une longue bataille procédurale. Dans la même veine, l'initiative du groupe La France insoumise est jugée irrecevable financièrement par le Bureau de l'Assemblée nationale, en novembre 2023.

Après une pause due à la dissolution de l'Assemblée nationale prononcée par Emmanuel Macron en juin 2024, les opposants à la réforme reprennent leur travail de sape. En octobre 2024, le Rassemblement national tente lui aussi d'abroger le texte. Mais sa proposition de loi est repoussée en commission puis dans l'hémicycle. Le 20 novembre 2024, les députés de la commission des affaires sociales votent en faveur de l'abrogation du texte, proposée par la France insoumise. Mais l'examen du texte en séance publique n'arrive pas à son terme à cause de l'obstruction parlementaire du socle gouvernemental.

La concession de François Bayrou aux socialistes

En janvier 2025, François Bayrou adresse une lettre aux présidents des groupes parlementaires socialistes afin d'éviter la censure de son gouvernement. Le nouveau Premier ministre propose l'organisation d'une négociation entre partenaires sociaux, qu'il nomme "conclave". Il promet des discussions "sans totem ni tabou, pas même l'âge légal d'ouverture des droits", tout en fixant une "condition" : "Celle de l'équilibre financier."

En cas d'accord entre les partenaires sociaux, un projet de loi sera présenté au Parlement. Sans accord, le gouvernement s'engage à présenter un texte reprenant les "avancées issues des travaux" du conclave. "Le Parlement aura, en tout état de cause, le dernier mot", écrit aussi François Bayrou. Les députés socialistes décident alors de ne pas censurer le gouvernement.

Le Premier ministre confie aussi à la Cour des comptes une mission flash sur "la situation financière et les perspectives du système de retraites". Le 4 mars, le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, présente aux députés de la commission des affaires sociales ses conclusions et affirme que sans mesures de redressement, le déficit du système atteindrait près de 15 milliards d’euros en 2035 et 30 milliards en 2045.

Le premier vote de l'Assemblée nationale, le 5 juin

Alors que le conclave poursuit ses négociations, les députés communistes décident de provoquer un vote sur la réforme des retraites. Ils déposent une proposition de résolution - un texte non contraignant - affirmant "l'impérieuse nécessité d'aboutir à l'abrogation des mesures les plus régressives" de la réforme des retraites de 2023. La résolution est adoptée à une large majorité (198 pour, 35 contre).

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Échec du conclave, les socialistes votent la censure

Les négociations entre partenaires sociaux échouent à la fin du mois de juin. François Bayrou salue néanmoins des "avancées" susceptibles, notamment, d'"améliorer sensiblement et immédiatement les retraites des femmes (...) ayant eu des enfants". Le Premier ministre évoque aussi un accord pour abaisser l'âge de départ à la retraite à taux plein de 67 à 66 ans et demi. Le chef du gouvernement se dit prêt à intégrer ces "dispositions de compromis" dans le budget de la sécurité sociale pour l'année 2026, qui sera examiné cet automne.

Une "trahison" selon les députés socialistes, qui demandaient un projet de loi autonome permettant au Parlement d'avoir "le dernier mot (...) sur tous les aspects de la réforme de 2023". Les élus PS déposent donc une motion de censure, qui n'est pas adoptée : le Rassemblement national n'a pas adjoint ses voix à celles de la gauche.

Rendez-vous à la rentrée ?

La question des retraites promet donc de revenir sur le devant de la scène politique à l'automne, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Ce texte budgétaire avait déjà entraîné la chute du précédent Premier ministre, Michel Barnier, en décembre 2024. François Bayrou devra être habile s'il ne souhaite pas subir le même sort que son prédécesseur. 

Une mission d'autant plus difficile que le Rassemblement national, qui continue de vouloir abroger la réforme des retraites, a déjà affirmé qu'il était susceptible de voter la censure du gouvernement lors de l'examen du budget 2026. Les socialistes qui avaient conclu un accord de non-censure avec le gouvernement au début de l'année 2025, ont fait de la question des retraites un casus belli : "On veut un débat ad hoc sur les retraites, on ne veut pas que ce soit intégré dans un PLFSS dont on sait qu'il n'ira pas au bout et qu'il sera censuré."

La pression viendra aussi du socle gouvernemental, les députés du groupe Horizons se prononcent régulièrement en faveur de l'instauration d'une part de capitalisation, alors que Laurent Wauquiez a lui aussi récemment réclamé des "réformes structurelles" et proposé d'ouvrir "le débat des retraites par capitalisation".

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